Général au sein de l’armée personnelle d’un noble. Riche, cupide et peu soucieux des personnes qui l’entourent, il ne pense qu’à son propre bien être. Il m’a semblé qu’être son “chien” puisse être une bonne chose puisque je ne ferais rien de mal en lui coupant la tête le jour où il irait trop loin. Cela me semblait être un bon compromis alors que j’ai tout bonnement échoué à devenir un officier de l’armée impériale. Cela n’est pas du tout au goût de ma famille, mais qu’importe. Au point où j’en suis, je ne suis plus touché par les paroles sans valeur de tels rapaces. Il n’y en a jamais eu que pour Hui qui, aujourd’hui, suit mes ordres dans la même armée que moi. Ce petit être est bien trop attaché à moi, bien que je n’en connaisse pas la raison. Je ne compte toutefois pas m’en plaindre, dans la mesure où il est de bons conseils. Cela reste toutefois assez frustrant pour moi qui doit veiller sur lui avec nos géniteurs sur le dos. Comme si faire de moi l’homme que je suis devenu n’était pas suffisant. Quelles conneries !

Assis à mon bureau, je remplis de la paperasse pour ne pas prendre de retard et ainsi mettre en ordre l’organisation des troupes. La protection de la demeure est importante, tout comme l’entraînement. Tout est calme et la pluie semble avoir cessé de tomber. Pour combien de temps, cette fois ? En cette saison, il est difficile de prévoir les caprices du ciel, ce qui ralentit mon entraînement et augmente ma frustration plus qu’à l’accoutumée. Si je devais citer quelque chose que je n’aime pas, je dirais que c’est bel et bien la saison des pluies. Je me garde néanmoins de ce genre de conversation sans intérêt, me concentrant sur des activités bien plus importantes. Même quand je pose enfin mon pinceau, il me semble plus important de m’entraîner. La pluie ne me dérangera pas, bien que je ne puisse pas me permettre de rester trop longtemps en dessous. Il ne faudrait pas que je tombe malade si facilement.

Je me prépare à sortir de mon bureau pour aller au terrain d’entraînement quand un soldat vient me chercher. Le faisant parler derrière la porte, je l’écoute m’apprendre qu’une personne ne cesse d’être stationnée devant les portes de la résidence sans en bouger même pour satisfaire ses besoins primaires ou s’abriter des intempéries. L’envoyer paître ? Déjà tenté. Le frapper ? Également. Le menacer ? Aussi. Lui faire une fausse promesse ? Il n’y a pas cru. Qu’est-ce qu’un gamin de seize ans peut bien espérer en voulant s’engager dans une armée personnelle d’un noble qui n’a pour lui que sa richesse ? Je n’ai plus qu’à lui poser la question moi-même puisque le soldat est incapable de répondre. Tout ceci m’agace. Je sors donc en trombe en claquant la porte et me dirige à grands pas vers l’entrée de la résidence. J’y trouve alors un gamin, effectivement âgé de seize ans environ, complètement détrempé mais dont le regard me paraît bien plus déterminé que celui de beaucoup de mes soldats. Qu’est-ce qui peut bien le motiver ?



Questions auxquelles il a sans doute déjà répondu, mais puisque personne n’a été en mesure de me le faire savoir, autant lui demander. Ensuite, je compte lui faire passer une sorte d’interrogatoire. Qui sait, peut-être est-ce un espion. Ou un voleur. Je ne dois omettre aucun détail, surtout quand il s’agit de permettre à quelqu'un de franchir ces portes. Il ne sera pas le premier à réussir à éviter mon investigation, quoi qu’il en coûte. Je ne permettrais pas à un gamin ayant la moitié de mon âge de faire sa loi, même si pour ça je dois le laisser crever sous la pluie.

Devant moi ne se tient pas un garçon timide ou ayant une confiance aveugle en ses capacités. Sa tenue malgré ses vêtements trempés et, puisqu’il n'a pas bougé depuis son arrivée, la faim, me fait penser à celle d’un soldat. Pourtant, il a l’air beaucoup trop jeune pour qu’il ait été entraîné à ce point. A moins qu’il ne soit tombé sur un fou se mettant en tête de faire d’enfants des soldats surentraînés, mais j’en doute. Il ne porte pas les marques d’une personne ayant reçu les enseignements d’un maître ou ayant combattu, tout comme il ne ressemble pas à un enfant ayant grandi trop vite. Je n’ai donc qu’à lui poser directement la question, ce que je commence à faire en commençant par son identité et son but.

La réponse que j’obtiens me laisse de marbre. Son comportement démontre une certaine éducation. Il est poli et reste droit. Il ne semble pas être intimidé par ma présence ou mon statut. Au point qu’il me regarde dans les yeux en parlant, ce qui est rare même chez les personnes qui me connaissent depuis quelques années. Le moins que je puisse dire est qu’il a un certain cran. Par contre, l’objectif qui le pousse à rester là sans en démordre depuis une semaine est très étrange. Pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ? Non. Avant cela, il faut que je sache…



A mes yeux, il n’est qu’un gamin. Un gamin avec du cran, du courage et une détermination qui forcent le respect. Mais un gamin quand même. Un peu comme mon petit frère, maintenant que j’y pense, bien que ce dernier me paraisse tout de même plus doux. Ce garçon que je vois maintenant me fait vaguement penser à quelqu’un. Qu’importe. Je vois trop de gens en une journée pour chercher à qui ce visage me fait penser. A la place, je continue mes interrogations en gardant sa réponse dans un coin de mon esprit, ne me laissant en aucun cas démonter.



Nous ne sommes pas là pour jouer d’une quelconque manière. Même les gars les plus courageux que j’ai moi-même entraînés sont partis après quelques années pour trouver un meilleur maître que celui-là. Et, sans que cela soit pris en compte, il n’en reste pas moins que ce n’est pas Wàng Gongzi qui l’intéresse. Si j’en crois ses paroles, je suis la personne qu’il cherche. Pourquoi ? Comment me connaît-il ? Peut-être aurais-je une réponse lorsqu’il me parlera. Sinon, je vais devoir lui tirer les vers du nez. J’avais d’autres choses à faire que de m’occuper d’un gosse venant de quitter les jupons de sa mère.

Seize ans. Effectivement, ce n’est qu’un gamin. Mais un gamin qui sait se tenir et qui sait comment répondre comme un officier. Je ne me suis pas présenté toutefois, ce qui signifie qu’il s’est renseigné sur moi. Auprès de mes soldats ? Peut-être en partie, mais pour se montrer aussi déterminé au point de faire le pied de grue pendant une semaine entière, il devait en savoir plus que ça sur ma personne avant de venir me chercher. D’ailleurs, pourquoi moi tout spécialement ? Je n’ai rien fait pour qu’un jeune veuille à ce point me rencontrer. Je n’ai aucun mérite, que des fautes si j’en crois les paroles de mes géniteurs. Toutefois, je ne compte pas lui faire part de ce fait. Au lieu de ça, je lui demande ce qui le pousse à vouloir se mettre sous mes ordres à ce point. Sachant que les miens viendront sans doute du noble que je sers jusqu’à ce qu’il aille beaucoup trop loin. En est-il au moins conscient ?

Finalement, je n’aurais pas à lui tirer les vers du nez. Son regard et son attitude ne sont pas ceux d’un menteur. D’un autre côté, sa réponse me laisse avec un sentiment mitigé. J’en ai vu des hommes plus âgés et plus costauds que lui me promettre de me suivre tout en avouant avoir beaucoup à apprendre. Par contre, il est bien prétentieux de penser pouvoir me nuire si jamais je viens à lui déplaire dans ma ligne de conduite. Cela me fait froncer les sourcils tout en continuant de l’observer. Quelle stupidité. Je ne comprends vraiment pas ce qui le pousse à vouloir me suivre pour des raisons si bêtes. La force est quelque chose qui s'acquiert avec le temps et les efforts. Quant à ma prétendue impartialité, il est bien le premier à me parler d’une telle chose. Le pire est sans doute qu’il croit dur comme fer à ce qu’il dit et pense. Quel gamin… Je ne suis pas fait pour m’occuper d’un sale mioche. Mais j’imagine que je pourrais demander à mon frère de s’occuper de lui quand ce ne sera pas à ma portée ou que je serais trop occupé à tenter de le faire changer d’avis sur un terrain d’entraînement.



Autant commencer par le début et, si sa détermination est plus faible qu’il le laisse entrevoir, je pourrais toujours le renvoyer chez lui quitte à l’attacher à l’arrière d’une charrette. Cela semble être vraiment une bonne idée pour le tester aussi. Mais si je fais ça, autant le faire combattre contre les meilleurs combattants en plus et nous ne pouvons pas nous permettre un tel relâchement chez ce noble. Et si je le garde, a-t-il au moins un endroit où loger ? Je vais quand même pas devoir le prendre chez moi ?!

Les limites de ses capacités actuelles ? Une bonne réponse. Toutefois, je ne connais pas ces limites là. Il semblerait que je vais devoir creuser. Lui demander s’il sait manier une épée. Ou une autre arme. S'il est en mesure de passer un accord. S'il est du genre à être un dirigeant. Vu son âge, je doute qu'il ait la moitié de ces capacités. Je préfère donc lui poser la question pour ne pas avoir de mauvaise surprise :



Attentif, je compare ce qu'il me dit avec ce que j'attends de mes soldats. Sans doute vais-je avoir beaucoup à lui apprendre. Dans ce cas, il va me falloir le tester dans sa détermination. Je ne vois qu'une seule manière de le faire sans que personne n'en sache rien. Alors, sans lui faire savoir ce que je pense de ce qu'il m'a dit, je lui fais un signe de tête pour qu'il me suive. Pas patient, je le mène jusqu'à mon bureau, faisant savoir au passage à un soldat que je ne veux être dérangé sous aucun prétexte jusqu'à ce que je donne un contre ordre. Je sais qu'ils savent qu'ils ont tout intérêt à faire passer le mot à tous sans quoi ils n'en sortiront pas indemnes. Ainsi, je fais entrer le gamin dans mon bureau.



Sur ces mots, sachant que personne n'a pu m'entendre puisque je m'en suis assuré, je ferme la porte derrière moi tout en le regardant.

En marchant en direction de mon bureau, j’ai repensé aux compétences que ce petit jeune m’a cité quand je le lui ai demandé. Aucune compétence à l’épée, mais puisqu’il sait se battre au bâton, je me demande ce que cela donnerait avec une lance. En tout cas, il sait se défendre, ce serait donc un bon début. Je mets de côté tout ce qui concerne la cultivation puisque je n’y connais absolument rien. A mes yeux, cela ressemble plus à une forme de magie à laquelle je ne crois pas. Je ne l’ai jamais vue à l'œuvre et cela ne m’est pas utile. En tout cas, cela ne l’a encore jamais été, alors je ne veux pas m’embarrasser de connaissances dont je n’aurais aucune utilité. Par contre, son savoir concernant la négociation m’intéresse au plus haut point. Si jamais je le prends comme apprenti, je pourrais l’emmener partout avec moi sans que cela paraisse étrange ou que cela ne dérange le maître. Puisque je suis parfois amené à négocier, il pourrait m’être très utile dans ces moments-là. Enfin, si tant est qu’il parvienne à passer ce test que je lui réserve. C’est également un bon moyen pour vérifier s’il garde effectivement son sang froid en toute circonstance comme il s’en est vanté.

Ce test, je ne le fais pas passer à tous. Ce serait franchement un bon moyen de mesurer la détermination et la solidité des personnes que nous employons. Toutefois, ce serait fortement mal vu par la société, d’autant plus que nous n’aurions pas beaucoup de monde dans nos rangs si nous le faisions. Toutefois, ce gamin est assez tenace pour rester une semaine sans bouger et me tenir tête sans broncher. Puisqu’il est assez déterminé pour subir cela, autant tenter de lui montrer la réalité de la cruauté qu’il pourrait être amené à subir ou simplement voir en me suivant. S’il n’est pas capable de le subir alors qu’il est avec moi, alors c’est qu’il n’est pas fait pour entrer sous mes ordres. Surtout s’il souhaite me suivre jusqu’à ce qu’il ne me considère plus comme étant digne d’être son commandant.
Sans prononcer le moindre mot, alors que je ferme la porte derrière moi, il accepte mon test en s’inclinant respectueusement face à moi. Il ne sait rien de ce qu’il va subir. Cela pourrait être tout et n’importe quoi. Pourtant, il ne me montre aucun signe de nervosité. Cela fait naître un très discret sourire sur mes lèvres dont je n’ai aucune conscience. Etrangement, il n’a aucune des compétences que je souhaite chez une personne à mes ordres, pourtant il commence à me plaire ce gamin. A voir s’il va continuer sur cette voie ou non.

Il n’a rien dit. Ni même tenté de se défaire de ma prise. J’avais une totale domination sur lui et j’ai l’impression que j’ai réussi à me débarrasser d’une assez grande partie de ma frustration. Mais ce n’est pas le plus important. Sa détermination est assez forte, tout comme le reste de son mental. Il a des prédispositions assez bonnes pour devenir soldat. Rien que son expression après une telle expérience est assez révélatrice. Puisque tel est le cas et qu’il veut le faire, autant le contenter. Mais, évidemment, puisque je vais devoir lui apprendre pas mal de choses, il est normal que j’en tire un certain avantage.

Je me tourne vers lui et le vois s’incliner devant moi. Ce petit est assez étrange quand il fait ça, mais qu’importe. Qu’il me voue un certain respect en étant sous mes ordres est toujours mieux que de devoir me battre contre lui à tout instant. C’est tout de même étrange qu’il ne m’en veuille pas de lui avoir fait ça. Mmh… Peut-être pourrais-je avoir cet avantage là, alors. A voir s’il l’accepte ou non. Et si ce n’est pas le cas, peut-être pourra-t-il me proposer autre chose. Nous verrons bien. En attendant…



Je contourne le bureau afin de m’asseoir sur le siège qui est le mien. Je suppose que s’il se demande pourquoi j’ai fait ça, il me posera la question. En attendant, je sors de quoi écrire et forme un contrat exprimant qu’il sera mon apprenti, et donc sous mes ordres. Cela légitime ainsi sa présence en ces lieux. Je lui tends et lui annonce, bien qu’il pourrait le lire :



Je guette ses réactions en l’observant avec insistance. Un peu de pression n’a jamais fait de mal à personne. D’un autre côté, je pèse rapidement le pour et le contre de mon idée. Puisqu’il est désormais en mesure de protester ou d’accepter, je lui annonce :



Qui sait, peut-être tirera-t-il également quelques avantages de cet arrangement. Après tout, il n’a pas eu l’air de rester totalement indifférent à ce petit test. Et moi, je pourrais me défaire de cette frustration qui me colle constamment à la peau. Il ne faudrait pas que cela me nuise sur le long terme. Bien sûr, je sais que c’est mal vu que deux hommes fassent de telles choses. Pourtant, je ne sais pas pourquoi, il semblerait que j’ai inconsciemment décidé que je ne serais pas et ne ferais pas comme les autres. Ce n’est pas pour me déplaire. Faire ce que j’ai envie quand j’en ai envie. C’est quelque chose qu’on ne me retirera pas facilement, je suppose. Tout aurait été bien différent si je n’avais pas été utilisé pour les volontés de ma famille. Dommage pour eux, ce ne sera pas si simple d’avoir ce qu’ils veulent, comme un retour de bâton. Mais qu’importe. Pour le moment présent, c’est ce petit jeune qui m’intéresse le plus.

Le calme de ce nouveau soldat, son écoute, sa discipline… Tout me plaît chez ce garçon qui hoche la tête quand il faut me faire comprendre qu’il a compris ce que je lui dis. Aussi, il a pris le contrat et l’a rangé précautionneusement, semblant me faire confiance sur le contenu du papier que je lui ai donné. Je me demande s’il me voue une confiance aveugle car il a décidé de me suivre ou s’il reste malgré tout sur ses gardes. Je dois avouer que ça me déplaît qu’il mette totalement sa vie entre ses mains, mais je lui rappellerais qu’il s’agit de son choix s’il venait à s’en plaindre. Enfin, je doute que cela soit le cas si j’en juge son attitude.

Lorsque vient la question de la compensation, il ne montre aucun signe de questionnement et hoche encore une fois simplement la tête. Même lorsqu’il ouvre la bouche, c’est pour me demander un lieu où loger, et notamment une auberge. Je prends note que je peux lui faire tout ce que je veux quand je le veux et m’empare d’un papier pour écrire une adresse que je lui donne en lui faisant glisser sur mon bureau.



Et pas cher, mais puisqu’il ne s’est pas inquiété des prix, cela ne me semble pas important de le lui préciser. Je me lève dès qu’il a pris avec lui l’adresse notée et lui fais signe de me suivre. Cette fois, je l’emmène pour le chemin retour en lui donnant ses premières indications :



Puisqu’il a le contrat et qu’il n’intégrera pas les rangs immédiatement, je ne vois pas l’intérêt de le présenter aux soldats. Je leur ferais simplement savoir que j’ai un apprenti et cela devrait amplement suffire. Et je sais qu’il est resté en observation toute la semaine pour avoir mon attention, alors il doit connaître l’heure de mon arrivée. Pour le moment, autant lui laisser le temps de prendre soin de lui. Dans cet état, je doute pouvoir en faire quoi que ce soit. Toutefois, je ne le ménagerai pas, quel que soit le temps qu’il fera pour qu’il apprenne à se battre en toute condition. Je ferais peut-être un peu plus attention le temps qu’il ait les bases, mais il ne devra pas ménager ses efforts non plus. Lorsque je serais trop occupé, je le confierai à Hui. Cela devrait suffire.

A la porte, je lui fais face et j’attends qu’il s’en aille. Lui dire quelque chose de plus ? Il n’y a rien à dire. Je le laisse donc s’en aller, retournant à mes premières occupations. J’ai finalement perdu plus de temps que je ne le voulais à la base. Est-ce une bonne ou une mauvaise chose ? Seul le temps me le dira. Tout comme il me dira si je fais bien de laisser cet homme cupide faire ce qu’il veut. Je suis partagé entre mon envie de l’occire sur le champ et le devoir qui m’incombe envers ma famille. C’est pourquoi je m’octroie le droit de réfléchir un peu plus longtemps. Pour le moment, il ne fait rien de mal. Toutefois, cela ne saurait tarder et j’espère seulement ne pas réagir trop tard.