8 octobre de l'an 10 || Camp du coup d'état || Avec Jīngshén

Encore une rude bataille. Et tout ça pour quoi ? Mettre un horrible tyran sur le trône à la place de quelqu’un qui prend un tant soit peu soin de son peuple. J’ai appris durant cette guerre que cet horrible húndàn est celui qui a fait de moi un orphelin. Évidemment, en tant que simple mercenaire présenté que comme un soldat qui ne réfléchit jamais, je ne peux pas m’en plaindre. Pourtant, si je le pouvais, il est certain que je lui ferais les plus grandes misères. Celles qu’il fait subir aux autres sans même se salir les mains. Je le hais. Vraiment. J’ai beau avoir été recueilli par cette “famille” que mon groupe forme, je ne peux m’empêcher de souhaiter le pire pour celui qui m’a tout pris.

Je me sens fatigué. Comme après chaque bataille, ce n’est pas nouveau. A chaque fois, je me sens affaibli après les batailles. Tout comme il m’arrive de ne pas savoir me lever le matin, tomber malade dès qu’il commence à faire froid. Je m’y fait, bien que ce soit extrêmement contraignant au quotidien. Encore plus avec mon quotidien, quand on y pense. Afin de pouvoir gagner ma pitance, je dois voyager et me battre. Je ne peux pas me permettre de paraître aussi faible. Surtout si je veux être libre. Une liberté dont je ne peux que partiellement profiter. Un soupir m’échappe alors que je vais me débarbouiller dans un cours d’eau tout proche. Je suis totalement couvert de sang. Heureusement, après avoir passé l’eau froide sur mon visage et vérifié mon corps, je constate que je ne suis pas blessé. Je compte juste ce qu’il me semble être de petites douleurs musculaires qui partiront bien rapidement après un peu de repos. Il s’agit simplement du résultat des efforts que j’ai déployés afin de rester en vie.

Relativement propre, du sang maculant toujours mes vêtements puisque je ne peux me permettre de les laver maintenant, sans avoir reçu mes prochains ordres, je retourne auprès de l’armée montée par ce noble pourri. Comment peut-on suivre une pourriture pareille ? Les soldats se reposent, tentent d’oublier l’horreur du champ de bataille d’une manière ou d’une autre. Certains parlent, d’autres chantent, j’en entends même pleurer comme si cela ferait renaître les morts. Quelle stupidité. Enfin, ayant moi aussi pleuré par le passé, je n’ai pas vraiment mot à dire sur la question. Mon chef de groupe passe et me demande si j’ai vu passer le chef des armées ou l’ordure qui est censé nous payer pour le travail que nous fournissons. Je lui réponds que non et il m’engueule de ne pas le savoir. Si je ne les ai pas vus, c’est que je n’étais pas à leurs côtés. Rien ne m’y oblige. Pourtant, je ne réponds pas, sachant que cette conversation n’est pas en ma faveur. Je sais comment ça finit, ce genre de choses. Je le laisse donc dire et partir en grommelant. Je soupire alors en fermant les yeux. Combien de temps cela va-t-il encore durer ? Pourquoi est-ce que je reste encore avec eux ? Je le sais pourtant que je n’aime pas la vie à leurs côtés. Pourtant, je ne sais pas m’en défaire. Ils sont tout ce que je possède au monde et rester avec eux a un côté rassurant. Au moins, je sais ce qu’ils sont capables de me faire. Je n’ai pas à guetter le moindre danger. Ils assurent mes arrières, dans une certaine mesure, et je peux prédire leurs actions, leurs demandes. C’est tout ce qui compte. Je ne veux plus errer sans but comme cela a déjà été le cas avant que je ne les rencontre. Tout n’était que souffrance à ce moment-là. Je ne suis pas masochiste au point de plonger dans l’enfer de l’inconnu.

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C’est calme quand le chef n’est pas dans les parages. C’est agréable et je me demande comment je pourrais obtenir un peu plus de liberté tout en restant au sein du groupe. J’aimerais pouvoir m’éloigner quand je le veux, ne pas devoir répondre constamment à des ordres. Je sais ce qui m’attend si je le fais. Autant ne pas tenter l’expérience… Je ne veux pas être abandonné comme ils m’ont souvent menacé de le faire si je ne les écoutais pas. Tout est mieux qu’être abandonné, quoi qu’il arrive.

Je suis sur le point de rouvrir les yeux pour regarder le ciel au-dessus de moi et, peut-être, me reposer contre l’arbre se trouvant pas loin derrière moi. Je n’ai pas le temps de le faire. Ou, plutôt, quelqu’un m’empêche de le faire. Quelque chose de chaud s’est posé sur mes yeux. Une main si j’en crois le contact. Les lieux empestent le sang, mais j’ai l’impression que l’odeur est plus forte qu’avant. Je tente de me reculer. Cela ne sert qu’à m’empêcher de fuir. Que faire ? Je me demande de qui il s’agit. Fronçant les sourcils car agacé d’être contraint de cette manière, je tente de libérer ma vue. Toutefois, non seule ma tête est coincée, mais en plus mon poignet est attrapé entre des doigts puissants alors que mes lèvres sont prises par celles d’un autre. L’odeur du sang est encore plus forte. Un soldat qui n’a pas pris le temps de se nettoyer après la bataille ?

Tout son corps me domine, comme le ferait le chef. Mais, contrairement à lui, il ne fait pas plus pour se faire plaisir. Et le baiser a beau me donner l’impression d’être dominé, il y a autre chose. Quand j’y réponds, ce n’est pas pour être repoussé. Mon visage rougit alors que cela fait naître comme des papillons qui voleraient dans mon ventre. Quelle est donc cette sensation ? Je ne la connaissais pas, mais ce n’est pas désagréable. Par contre, ce qui l’est beaucoup plus est que je manque rapidement d’air. Je ne me sens pas très bien après une telle bataille et cet homme ne semble pas vraiment s’en préoccuper. Heureusement, je n’ai pas non plus le temps de mourir d’asphyxie. Je n’aurais pas aimé ça. Après ça, il faut alors moins d’une seconde pour qu’il me fasse part d’une sorte de… demande ? A moins que ce ne soit un ordre ? Je dois avouer que c’est assez étrange. Pourquoi moi ? Pour quoi faire ? Quand ? Pour combien de temps ? Où ? Tellement de questions qui, même si je venais à les poser, auraient une réponse qui ne me donneraient aucun indice sur la manière dont je devrais lui répondre. Après tout, ça ne dépend pas de moi.

Je suis surpris qu’il ne me fasse pas plus avant de libérer mes yeux. Je les ouvre et découvre le visage de Zhènfèn Jīngshén, un homme important aux côtés de la personne qui nous paye pour le service que nous lui rendons sur le champ de bataille, celui qui veut devenir le prochain empereur. Comme je l’avais deviné, il n’a pas retiré le sang dont il est maculé. Cela lui donne un air très sauvage quand on y pense. Ses yeux sont posés sur moi, sans doute pour m’observer comme je suis en train de le faire moi-même tout en attendant une réponse de ma part. Je soupire doucement sans que mes joues ne deviennent moins rouges avant de répondre assez calmement malgré ma nervosité :



Je n’ose même pas imaginer ce que me fera le chef en me voyant parler avec quelqu’un d’autre, surtout dans cette position. Je me sens un peu inconfortable tant il est proche. Encore plus en voyant qu’il ne me fait rien de plus. Qu’attend-il de moi ? Est-il… frustré ? Est-ce ainsi qu’on le dit ? J’espère pouvoir avoir quelques réponses avant que je ne sois dans l’obligation de m’en aller. Je ne sais pas vraiment quoi penser…

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Il semblerait que mes questions n’aient pas été attendues. Le fait qu’il m’observe sans me répondre dans l’immédiat me donne cette légère impression. A moins que je ne me trompe puisque je suis bien loin de connaître cet homme. J’espère quand même avoir un minimum de réponse. Je déteste prendre une décision qui ne soit pas mûrement réfléchie, surtout que je n’en ai pas l’habitude. Je ne veux pas être la victime des conséquences auxquelles je n’aurais pas pensé. Et, surtout, je me doute déjà de la réaction de mon groupe de mercenaires si leur jouet préféré venait à leur être retiré. Non seulement ils s’en prendraient à moi pour avoir ne serait-ce que pensé à les quitter alors qu’ils se sont occupés de moi depuis que j’ai tout perdu par le passé, mais en plus ils chercheraient des ennuis auprès de la personne qui pourraient m’avoir donné l’espoir de les quitter. Si jamais le chef venait à me voir dans cette position… Je sais déjà que je le paierais de mon corps. Alors pourquoi devrais-je prendre ce risque ? … Bien que ce baiser n’ait pas été désagréable.

Il me parle de devenir son “compagnon” parce qu’il est tombé sous mon charme. Rien que cela n’a pas vraiment de sens pour moi. Et que veut-il dire par “prendre soin” de moi ? Ce n’est pas comme si j’étais maltraité avec eux. Un sourire amer étire mes lèvres avant de repartir très rapidement. Sérieusement, c’est une demande ça ? Ça ressemble plutôt à un ordre déguisé. Mais je ne compte pas me battre pour une chose comme ça. Ça n’en vaut pas la peine. Je préfère donc lui poser les deux questions qui me sont venues avec ses explications, espérant qu’il me libérera avant que le chef ne me voit comme ça :



En vérité, je voudrais accepter l’offre qui m’est faite. Dire “oui” sans penser au reste tout en espérant ne pas me tromper dans mon choix. Si cela me permet de connaître autant de douceur que durant ce baiser qui m’a été donné, alors ça peut être possible. Malheureusement, je ne peux pas tourner complètement le dos à ceux qui m’ont sauvé la vie et m’ont donné un but. Ils sont maintenant comme une famille à mes yeux. J’ai cru entendre un jour que les enfants finissent par s’envoler de leurs propres ailes comme des oiseaux quittant le nid afin de vivre leur propre vie. Est-ce aussi ce que je souhaite malgré tout ? Je n’y avais jamais pensé avant aujourd’hui. C’était sans importance. Maintenant, je ne peux pas penser la même chose puisque qu’un ordre déguisé vient de m’être donné. Alors, Gongzi, quelles seront vos réponses à mes questions ? Seront-elles suffisantes pour me faire comprendre ce que je veux faire ? Saurez-vous me prendre avec vous avant que le chef ne vienne me chercher ? Au vu de la lenteur de cette conversation, je pense que ce ne sera pas possible et cette idée me déplaît. Pourquoi ? Ah… C’est bon, je crois que j’ai complètement vrillé.

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Il n’arrête pas de se coller à moi. C’est évident qu’il a des intentions similaires à celles du chef. Ça ne me plaît pas et me donne encore plus envie d’entendre de sa bouche la réalité de ses intentions, le véritable sens de ce qu’il prétend. Je ne veux pas quitter cette famille qui a été la mienne pendant si longtemps, avec leurs avantages et leurs inconvénients, pour me retrouver avec une personne pire qu’eux. Mais, d’un autre côté, une personne embrassant si bien peut-elle vraiment avoir des intentions comme celles-ci ? Argh !! Je sais que je suis pas fort pour réfléchir à ce genre de choses ! Je sais que je suis du genre bête et à ne pas savoir aller jusqu’au bout des choses ! C’est bien pour ça que j’ai toujours suivi sans jamais poser de questions. Mais, cette fois, ça doit changer. Il en va de mon avenir quand même.

Ses yeux ne me quittent pas une seule seconde depuis qu’il est prêt de moi. Je le soutiens et j’attends mes réponses sans bouger. Enfin… J’essaie quand même de le faire reculer un peu, sans grand résultat. Je suis fatigué et j’ai besoin de me reposer. Fait chier ! Il avait vraiment besoin de me faire ça maintenant ? C’est vraiment pas le moment.
Je fronce les sourcils alors qu’il décrète que je vais aller avec lui. J’ouvre la bouche pour protester alors que je le regarde plus durement. J’ai été sympa et j’ai pris la peine de trouver une bonne raison pour refuser ou accepter. Mais avant que je puisse dire quoi que ce soit…



Je fais quoi perché sur son épaule tout d’un coup ?! Qu’est-ce qu’il vient de se passer ?! Je n’ai absolument rien vu venir ! Soit il est dix fois plus fort que moi, soit je suis vraiment dans un état tel que je suis incapable de me défendre. Dans tous les cas, c’est super humiliant ! Je me débats donc et commence à penser à ce que je vais bien pouvoir lui dire pour qu’il me laisse tranquille, mais, encore une fois, il me coupe l’herbe sous les pieds alors qu’il marche en direction des tentes des hauts gradés.
Il… répond à mes questions ? Vraiment ? Il est sérieux ?! Est-ce vraiment la peine alors que je n’ai vraisemblablement plus le choix selon sa propre vision des choses ?
Quoiqu’il en soit, il semblerait que je ne comprenne toujours pas ce qu’il a voulu dire par “compagnon”. Si ce n’est pas “compagnon d’arme”, qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Si je ne comprends pas… Et en quoi suis-je utile si je ne peux pas me battre ? Il a beau ne pas m’obliger à arrêter, je ne comprends pas vraiment pourquoi il me précise un truc pareil. Surtout maintenant. Il m’embrouille…

Maintenant que j’y pense, il me parle assez bas. Je dois lui prêter toute mon attention pour le comprendre correctement. Au point que je n’arrive pas à me concentrer sur le chemin que nous empruntons. Pour rejoindre le groupe, ça risque d’être compliqué. Enfin… Si j’y arrive, ce qui n’est pas gagné non plus…

Attends… Il parle de qui déjà ? … Ah… De l’autre qui nous paie, là ? S’il ne le sert pas, il fout quoi dans l’armée ? Puis-je vraiment me sentir soulagé de ne pas devoir lui prêter allégeance ? A tous les coups, c’est pour le faire pour celui qui me porte. Pourquoi me prendrait-il avec lui, sinon ?!
Ne manquer de rien… Finalement, il ne me propose rien de plus que les mercenaires, si ce n’est que j’ai le choix de me battre ou non. Aussi… C’est moi où il fait preuve de douceur avec moi ? C’est très bizarre… Même maintenant qu’il me pose, il ne me jette pas en me laissant le soin de garder mon équilibre pour ne pas me retrouver les quatre fers à l’air. Pourquoi une telle précaution ? A-t-il vu que je me sens mal ? Même si c’est le cas… Non. Je ne comprends vraiment pas cet homme et ça m’énerve !

Je sais que je n’ai que très peu de forces maintenant, que je ne pourrais pas gérer les conséquences de mes actes. Pourtant, c’est à deux mains que je le saisis par le col en le regardant droit dans les yeux. Je n’ai plus écouté ce qu’il m’a dit après ma conclusion. Qu’est-ce qu’il y aurait eu à dire de plus de toute façon ?



Qu’il profite une bonne fois pour toute que je ne puisse pas me débattre et qu’on en finisse une bonne fois pour toute. Puisque nous sommes dans une tente, personne n’en saura rien, de toute façon.
Me rendant compte de mon geste, je ravale ma colère en soupirant et le lâche. Je cache mes yeux d’une main et m’assois sur le lit sans trop y penser. Je me sens complètement vidé…

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Maintenant que la colère retombe, je me sens vraiment fatigué. Pourtant, je n’arrive pas à arrêter de penser. Pourquoi ai-je réagi de cette manière ? Ce n’est pas comme s’il avait fait quelque chose de mal. A vrai dire, cet homme m’a même… bien traité ? Ça fait même partie des choses qu’il m’a dites avant, non ? En tout cas, à part pour le baiser, qui était… agréable… je crois ? … Il ne m’a rien fait. Et même maintenant, il ne me fait rien. Le chef en aurait profité cent fois. Par contre, c’était quoi ce froncement de sourcils ? Est-ce que je l’ai énervé. Ce ne serait pas étonnant, mais…

Alors que j’ai l’impression que ce n’est pas de la colère que j’ai entraperçu dans son expression alors que je m’asseyais, je l’entends me dire que je lui ai répondu. Confusion. Nous sommes tous les deux confus. Lui parce qu’il a interprété des signes dont je n’avais moi-même conscience et moi.. Moi parce que je ne sais plus quoi faire. Je n’arrive pas à avoir les idées claires concernant toute cette situation. Ce que j’ai dit est vrai. Je ne le connais pas, je ne sais pas grand-chose de lui au point de ne pas savoir comment le nommer et je n’ai rien pour savoir à quel point je peux lui faire confiance. Je ne comprends même pas certaines de ses promesses. Cette histoire de compagnon… Mais, d’un autre côté… N’est-ce pas mieux de rester à ses côtés s’il est si différent d’eux ? Que devrais-je faire… ?

J’ai mal à la tête… Je n’arrive même pas à penser à ce qu’il pourrait faire de moi si je venais à le suivre quand je sens une main passer sur mon front pour relever mes cheveux. Par curiosité, je relève légèrement la tête. Ce n’est pas la première fois que je vis une situation comme ça, mais c’est si lointain que je ne pourrais pas m’en souvenir clairement. Et ce geste de ma tête me permet juste de rencontrer son front frais. Avec douceur… “Maman” est le mot qui me vient naturellement avant même que je m’en rende compte. Heureusement que je ne l’ai pas prononcé ! Je l’ai prononcé ? Oh merde… Dites-moi que non !!! Telles sont mes pensées alors mes joues deviennent un peu plus rouges et que mon regard ne lâche pas cet homme. Je me sens tellement embarrassé maintenant !

De la fièvre… Bien sûr, je le savais. Je soupire discrètement, passant une main dans mes mèches de cheveux en la posant sur mon front chaud. C’est comme ça à chaque fois, mais c’est bien la première fois que quelqu’un s’en inquiète. Enfin… la première fois depuis longtemps. Je ferme les yeux, fatigué et reste ainsi sans bouger.

Je n’ai plus du tout conscience de ce que fait cet homme autour de moi. Je ne rouvre les yeux que lorsqu’une tasse chaude est posée de force dans le creux de ma main. C’est automatiquement que je la tiens pour qu’elle ne tombe pas. Mais… pourquoi ? Je relève le regard sur lui et essaie de l’écouter attentivement. Un médecin… … Pour quoi faire ? C’est juste une fièvre passagère. Ça passera avec un peu de repos. Et… Pourquoi pourrai-je partir après ? Ne me voulait-il pas pour lui ?
Oui, je le vois bien qu’il est différent d’eux. C’est sans doute ce qui me perturbe le plus en vrai. Tout comme le fait qu’il ait pu comprendre quelque chose alors que je n’ai rien dit à ce propos. Comment aurait-il pu comprendre ça ?
Je n’arrive pas à réfléchir et mon regard le suit alors qu’il me tourne le dos pour s’en aller. Il est… rapide, non ? Il y a tellement de choses que je ne comprends pas dans cette situation. Ça n'a absolument rien à voir avec la majorité de mon vécu, de mon expérience. Est-il… inquiet ? Pour moi ? Parce qu’il me veut pour lui ? Et cette histoire de compagnon, c’est si bizarre…

Je soupire doucement et bois une gorgée de thé. D’habitude, c’est moi qui le fait alors que je n’ai pas vraiment le loisir d’en boire. Puisque je suis moins fort, moins performant que les autres, je n’y ai pas le droit. Ma contribution paye à peine ma pitance. La différence, le chef la prend autrement selon son bon vouloir, ce qui signifie tous les soirs quel que soit mon état.
Ah… Je suis épuisé ! Mais je ne veux pas dormir tout de suite… Je veux pouvoir lui parler. M’excuser peut-être ? Mais je veux comprendre. Pouvoir prendre une vraie décision. Même si je dois réfléchir après avoir dormi, si je le peux vraiment. Mais je ne peux pas rester dans cette confusion. J’ai l’impression que rien ne tourne rond…

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Que faire ? Que dire ? Mon but n’était pas de l’énerver. Je veux juste comprendre. Pouvoir prendre une décision. Pouvoir affirmer haut et fort ce que je veux. Mais comment le faire si je ne sais pas où j’en suis ? Le plus simple serait de rentrer avec les mercenaires. Au moins tout redeviendrait comme avant. Mais… “comme avant”... Je n’aime pas l’idée de ne pas avoir le choix à nouveau. Ahah… Suis-je vraiment en train d’espérer que ce serait différent avec cet homme ? Juste parce qu’il me le dit ? Suis-je donc en train de devenir fou à cause de la fièvre ? Et je veux lui parler dans cet état ? Quel autre choix pourrais-je bien avoir ? Ce n’est pas comme si je pouvais m’enfuir et me retrouver seul. Ca, je n’en ai pas envie. C’est clair et net. Puis, on me retrouverait facilement. J’en suis certain. Le choix de continuer à me battre ou non… Le choix de le suivre ou non… Le choix…

J’entends le tissu de la tente se faire manipuler. Doucement, je me tourne vers la personne entrant et découvre celui qui me met dans un tel état de confusion. Il est seul. N’avait-il pas dit qu’il viendrait avec le médecin. Ah non… Qu’il allait l’appeler. Ce n’est pas la même chose et le médecin doit être occupé par des cas bien plus graves que le mien. Et maintenant il s’approche de moi. A quoi peut-il bien penser ?
Sans m’en rendre compte, il semblerait que j’ai terminé la tasse de thé qui m’a été donnée. Il me la prend pour la poser plus loin. Je l’ai laissé faire. Je ne veux pas me battre. Je n’ai aucune raison de le faire. Juste parler, comprendre…
J’avais raison, le médecin est occupé avec les autres blessés. Une petite fièvre n’a rien de bien inquiétant en comparaison avec des blessures qui peuvent ôter la vie, n’est-ce pas ? Mais je ne compte pas me reposer. Pas sans avoir de réponse.

Ah… Les images du champ de bataille me revient en mémoire. Je devrais être habitué maintenant au fait de prendre la vie des autres. Pourtant… cette fois c’était vraiment une expérience que je ne voudrais pas refaire. Ma vie était bien plus en danger qu’à n’importe quel autre moment de mon existence. Des morts se relevaient pour attaquer le camp adverse. L’odeur… épouvantable. Pourrais-je seulement oublier un jour ce qui vient de se passer ? Pourrais-je dormir sans faire de cauchemars ? Je me rappelle qu’après avoir tué pour la première fois j’ai été pris d’insomnie pendant des mois. Même encore maintenant, je vis avec des traces aussi invisibles qu’indélébiles. Des traces qui ne m’aident pas mais que je cache de toutes mes forces. Si je ne vis pas avec, alors je tomberais à coup sûr et je me retrouverais seul. Ah… Pourquoi ai-je si peur d’être seul ?

Je relève mes yeux pour trouver l’homme qui m’offre du repos. Il est assis à un bureau. Ai-je été plongé dans mes pensées si longtemps ? Je ne m’en suis pas rendu compte. Puis-je vraiment le déranger ? Si je ne le fais pas maintenant, quand le ferais-je ? Après la venue du médecin, il sera sans doute trop tard puisque je devrais prendre une décision. Et qui sait quand le chef arrivera à me mettre la main dessus. Je dois me dépêcher avant que tout ça n’arrive. Alors, qu’importe s’il est occupé.



Parce que je ne comprends pas. Pour savoir ce qu’on veut faire, il faut comprendre ce qui nous attend. C’est comme ça que je l’ai toujours vu, même si je n’ai jamais réellement eu de choix à prendre. Un seul qui a été décisif en réalité : suivre les mercenaires et avoir la vie sauve sous la condition de leur obéir ou mourir en étant affamé et rejeté. Aujourd’hui, c’est différent. Ma vie n’est pas spécialement en danger puisque la guerre est finie. Aucun des deux choix ne semble être meilleur que l’autre. Ou alors, il y a quelque chose que je n’ai pas compris…

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Je me demande si je vais vraiment être capable de me déplacer dans mon état. Je ferais des efforts si c’est vraiment nécessaire. Mais comment savoir si ça l’est ? Je n’ai aucune réponse…
Il me tourne toujours le dos alors que je lui parle. Est-il fâché ? Dans ce cas, il est peu probable que j’obtienne la moindre petite information supplémentaire qui pourrait m’aider. Dans ce cas, je vais devoir me reposer sans dormir totalement. Sinon, je ne pourrais jamais connaître l’heure du départ. Qui sait ce qu’il m’arrivera si je n’obéis pas au chef. Enfin… Si… Je le sais… Je ne veux juste pas trop y penser. Parce que, quand j’y pense, je me dis que rester là est bien plus facile et confortable. Pourtant, ça pourrait être un piège pour m’appâter, pour que je le suive plus facilement. Si c’est le cas, que pourrais-je faire ? J’ai beau vouloir être fort et rusé, je sais que j’ai des limites…

Ah ! Il se retourne. Alors, il m’a écouté ? Ou va-t-il me dire de me taire. S’il est comme mon groupe, alors il me dira de me taire et je m’en irais. Sinon… Est-ce vraiment possible qu’il réponde encore à mes questions alors que c’est la troisième fois que je lui demande la même chose ?
Il me répond ! Incroyable… Il n’est vraiment pas comme eux, comme il me l’a dit. Je ne savais pas que deux hommes pouvaient se marier. Je n’en ai jamais vus avant. Jamais entendu parler non plus.
Pourquoi il me laisse le choix ? Va-t-il vraiment respecter cette parole ? Ce qui est sûr c’est que, tout de suite, le mariage c’est non. Et pour le reste… j’en sais trop rien. Pourquoi je lui refuserais à lui alors que je l’ai laissé faire tout le reste de ma vie ?
Nous verrons à ce moment-là ? Ça veut dire… qu’il n’a vraiment rien prévu ? Rien du tout ? Dans ce cas… est-ce que je peux lui faire confiance ? Il a semblé ne pas aimer ne pas avoir compris, tout à l’heure. Mais il ne m’a rien fait. Même maintenant, il ne me fait rien pour ça ou mes questions.

J’ai encore un peu la crainte des conséquences de ce que je pourrais choisir. Je ne le connais pas. Je ne sais pas de quoi il est capable de faire. Encore moins si jamais je viens à partir alors qu’il me veut. Il a dit qu’il respecterait mon choix… En fait, c’est ce qui me perturbe le plus, maintenant que j’y pense. Des choix… Je n’en ai fait que très peu dans ma vie et celui-ci me paraît aussi important que celui qui m’a sauvé la vie. Mais il est plus difficile à faire.
Ah… J’ai mal au crâne…



Je crois que j’arrive à ma limite. Ma vision est maintenant totalement floue, au point que je le distingue à peine. Il faut que je me repose, maintenant que j’ai toutes mes réponses. Alors, passant une main sur mon visage, je me couche sur le lit, sans prendre la peine de me mettre sous les couvertures, de retirer mon armure ou de me déchausser. Je n’y ai même pas pensé. Et je ne peux y penser une fois couché puisque je m’endors immédiatement après avoir fermé les yeux.

Lorsque le médecin vient me voir, je ne me réveille pas et ne bouge pas, comme si sa présence ne me dérangeait pas du tout. Il fait alors connaître la maladie des cheveux blancs à cet homme qui me veut à ses côtés, lui précisant tout ce que cela pourrait impliquer. Il lui signale également que ma fièvre est sans doute dûe à un excès de fatigue, à cause de la bataille mais que, même s’il me faut beaucoup de repos, je vais plutôt bien.

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Très lentement, je sens que je m’éveille. Contrairement à d’habitude, ce n’est pas à cause du bruit. Celui-ci est plutôt moindre à vrai dire. Pas de rires tonitruants. Pas de gueulante parce que je peine à me réveiller. … Tant mieux à vrai dire. J’ai encore mal à la tête, même s’il me semble que c’est mieux. Ah… Alors pourquoi ne pas me rendormir ?
Je sens… c’est différent…
J’avais chaud. C’est même peut-être pour ça que je m’éveillais. Mais tout devient un peu plus frais maintenant. On me manipule, ça me dérange un peu. Mais… Ce frais est tellement agréable… Je veux laisser faire. Oui… C’est mieux comme ça…

Je crois que je me suis comme rendormi. Peut-être. J’en sais trop rien. Ce que je sais, par contre, c’est que tout devient plus chaud. Encore une fois. Ce n’est pas agréable. Je n’aime pas ça. Aussi… j’ai soif. J’avale difficilement ma salive. Comme si je n’en avais pas du tout. Et la chaleur qui m’enveloppe encore plus… Je sens que ma gorge me chatouille un peu alors que j’entends ma propre voix. Je… râle ? En tout cas, je ne me sens pas très bien et c’est ce qui me fait ouvrir doucement les yeux en cherchant à sortir un bras de la couverture. Est-ce que j’étais dessous quand je me suis endormi ? Plus important… Où suis-je ? Avec qui ?

Je cligne un peu des yeux pour essayer de voir plus clair. J’entends une voix. Je la connais pas aussi bien que d’autres. Mais… elle est familière…
Dormir… Ah bon, je peux ? Je n’ai rien à faire ? Je pose mon visage vers la main qui me caresse. C’est frais… Ah… Attends… Il y a quelque chose…



Doucement, j’amène mes deux mains à mes yeux pour les frotter tout en m’étirant doucement. Il faut que je me réveille pour boire, et pour comprendre ma situation. Remettre de l’ordre dans mes idées…
Lentement, je me relève un peu pour accueillir le verre d’eau. Je le bois assez rapidement avant de dire un peu moins laborieusement :



Autour de moi, une tente, des affaires entassées, un homme… … Le second du noble, non ? Son nom… Zhènfèn Jīngshén si je ne dis pas de bêtise. Je me demande combien de temps ça fait que je dors ici. Et… Attends… Mes affaires ? Je regarde mes vêtements de mes gestes lents. Ce ne sont pas les mêmes. Alors, il m’a changé. Peut-être en a-t-il profité… ? Non. Je ne ressens rien de plus que les conséquences de ma fièvre. Finalement, il n’est vraiment pas comme eux. Je suis soulagé, on dirait que j’ai vraiment fait le bon choix… Je l’espère en tout cas.



A vrai dire, je n’ai pas été mis au fait de la situation, hormis que nous allions travailler pour un noble qui nous paierait bien. Pourquoi ? Comment ? Je ne l’ai su qu’une fois sur le champ de bataille et à travers quelques ragots. Du coup, je ne connais pour ainsi dire rien de ce bienfaiteur. Est-ce vraiment bien… ?

8 octobre de l'an 10 || Camp du coup d'état || Avec Jīngshén

Je ne m’attendais pas à recevoir de l’aide pour me relever. Mais, grâce à ça, j’ai économisé pas mal de forces et je peux prêter plus d’attention à la conversation que je mène avec Zhènfèn Jīngshén pour comprendre ce qu’il va se passer par la suite, dans une heure si j’ai bien entendu. J’espère retenir les informations que je vais recevoir dans mon état…
Je le vois hocher la tête. Donc il a bien parlé de départ. Ce qui explique les coffres qu’il est en train de remplir et le changement de vêtements aussi, je suppose. Il est vrai que je suis plus à l’aise comme ça que dans mon armure. Je me demande s’il va la prendre avec nous… À en juger son état et le fait qu’elle ait été jetée dans un coin… vais-je finalement être totalement détaché de tout ce que je connais ?

Je me concentre de justesse pour comprendre notre destination, enfin je présume puisqu’il s’agit de la future capitale : Chang’An. Je ne suis jamais allé là-bas.
Il me précise aussi que cet endroit va être brûlé à notre départ. Dommage… C’est une très jolie ville…
A vrai dire, je ne comprends pas pourquoi on ferait tant d’efforts pour brûler une ville de cette manière. Ce n’était pas comme si elle allait elle-même détruire ce qui vient d’être fait. Puis, cela ne serait-il pas injuste pour les habitants ?

Plongé dans mes pensées, je ne sais pas trop si j’ai le droit de formuler ma pensée, mes interrogations. Je relève alors les yeux sur mon interlocuteur quand celui-ci m’annonce que j'irai avec lui. Il s’est relevé et me regarde. Il semblerait, de toute façon, que les mercenaires ne soient pas venus me chercher et qu’ils ne comptent pas me reprendre. J’ai été abandonné. Je hoche donc la tête pour montrer ma compréhension. Puis, c’est comme ça que j’ai vu les choses avant de m’endormir. Je n’aurais pas pris un tel repos si ça n’avait pas été le cas. J’aurais lutté contre ma fièvre, ce que je n’ai pas fait.



Pour moi qui ai vécu longtemps sans endroit où m’abriter avant de tomber sur les mercenaires, je peux comprendre toute la difficulté de perdre son foyer. Je me demande si c’est quelque chose de difficile à imaginer pour les personnes qui n’ont jamais manqué de rien. Est-ce son cas aussi ? Je ne connais rien de lui en vérité, si ce n’est son nom.
Je pense que je ne vais pas faire long feu… Comment va-t-il me déplacer alors que je suis dans cet état ? Je crains de n’être qu’un fardeau. Et, ne vaut-il pas mieux que je me prépare, moi aussi ? Je sais que je n’ai rien à prendre, pas d’affaires à rassembler si ce ne sont celles qui gisent dans un coin, ensanglantées, mais puisque je suis dans cet état, je sais que je vais être plus lent. Ne devrais-je pas éviter de le ralentir ? En pensant à ça, je baisse les yeux, tripotant la couverture, pensif. Il n’est pas comme eux, je ne sais donc pas quel genre de décision je devrais prendre…

8 octobre de l'an 10 || Camp du coup d'état || Avec Jīngshén

Je ne sais pas vraiment comment interpréter le silence de mon interlocuteur. J’imagine qu’il doit réfléchir à mes questions… Ce silence me paraît long. Cela me rend anxieux, au point que je n’ose plus regarder autre chose que mes mains. Dans ces situations où je suis affaibli par la fièvre, je ne me sens pas capable de défier les autres. Même si je le voulais, je ne pourrai plus soulever mon épée. Et je sais que les mercenaires prenaient le fait que je les regardais pour un défi ou une demande de duel. Ou un manque d’attention quand le chef était concerné. C’est pourquoi j’ai pris l’habitude de baisser les yeux quand je me sens mal, quand je sais que je ne peux pas supporter ce genre de traitement. Ne sachant pas comment, lui, l’interpréterait, le mieux est de ne pas prendre de risque.

Je me sens bête… Pourquoi n’ai-je pas compris quelque chose d’aussi simple… ? Est-ce vraiment ma fièvre qui est en cause ou… ? Doucement, je passe une main sur ma nuque, un peu mal à l’aise de l’incompréhension totale que j'ai eue. Dans un sens, je préfère savoir que les gens ne seront pas touchés. Pourtant, je n’arrive pas à me défaire de ce malaise… Ce que je peux être bête, parfois… Il va falloir que je pense un peu plus avant de sauter sur de telles conclusions. Ce n’est pourtant pas la première fois que je me dis ça…

Relâchant ma nuque, je ferme les yeux, fatigué par ma propre pensée et mon état. Je ne pensais pas que cette bataille me mettrait aussi mal…
Encore dans le malaise, je regarde Jīngshén qui me fait comprendre que quelle que soit la décision, de toute façon, nous serons impuissants. Je hoche alors brièvement la tête. Je peux comprendre… La personne qui ordonne ça est maintenant une tête couronnée, celui qui a tous les pouvoirs. Comment empêcher de telles décisions autrement qu’en menant une autre bataille ? Dans les conditions actuelles, ce ne serait pas moins que chercher la mort. Si nous avions vraiment voulu une telle finalité, alors nous ne nous serions pas battus en premier lieu. Nous aurions laissé nos ennemis nous couper la tête sans nous défendre… D’ailleurs, étaient-ils vraiment des “ennemis” ? Oui si on prend en compte qu’on devait se battre contre oui. Pourtant… Ne faisions-nous pas partie du même peuple ? Je ne suis pas sûr de comprendre ce genre de combat…

Mon regard s’est baissé sous le poids de ma réflexion. Je ne pense pas demander plus de précisions à ce propos. Je ne suis pas assez en forme pour supporter ce genre d’informations… Je ne suis même pas sûr que je pourrais les retenir. Autant ne pas l’embêter avec ça maintenant dans de telles conditions… Alors, pourquoi est-ce que j’ai tellement envie de lui demander ? Pourquoi ça me démange autant… ?
Il m’arrête dans cet élan étrange en me disant que je monterai à cheval avec lui. Je sais monter, mais j’imagine que “avec lui” veut dire “sur le même cheval”. Ça ne va pas le déranger ? Ne vais-je pas le ralentir… ?
Avant que je ne puisse exposer mes doutes, cette fois il me pose une question. Quelque chose… Mon regard se porte sur mes affaires ayant une allure plus que déplorable. Rien qui puisse être utilisé à nouveau en l’état… Je n’ai rien d’autre à part… mon épée ? Je n’y suis pas spécialement attaché…

Doucement, je me recouche sur le lit en passant une main sur la moitié de mon visage. Je suis complètement épuisé… Et mes maux de tête semblent également me rappeler à l’ordre. Pourtant, il faut que je lui réponde… Répondre quoi ? Sans plus y penser, je lui dis ce qui me passe par la tête :



Je soupire doucement, sur le point de me rendormir. Je tente quand même de forcer un peu, au cas où je devrais me relever puisque nous devrions partir. Je ne sais pas depuis combien de temps nous parlons. Est-ce que cela fait déjà une heure ? Ca semble si court…

8 octobre de l'an 10 || Camp du coup d'état || Avec Jīngshén

Mon épée, hein ? Pourquoi lui ai-je demandé cette vieille arme que j’ai ramassé quelque part sur le champ de bataille pour ne pas me retrouver complètement désarmé ? Pour ne pas partir les mains vides ? Avoir l’impression d’avoir quelque chose qui m’appartienne ? Foutaises ! Rien ne m’a jamais appartenu, pas même mon corps…
Mon soupir n’est que bien trop justifié quand j’y pense. Sans compter mon état physique qui ne fait que me rappeler ô combien je ne suis pas fait pour me battre peu importe les efforts que je déploie pour développer mon endurance et ma force. Combien de temps cela fait-il que je m’y emploie ? Bien trop longtemps… Peut-être devrais-je sauter sur l’occasion que m’offre cet homme et cesser de combattre. Ce qui m’empêche de prendre pleinement cette décision, c’est la crainte de n’avoir plus rien à faire de mes deux mains. Enfin… je verrai quand je serai là où il compte m’emmener. D’après ce qu’il me dit, nous partirons bientôt. A quoi cela servirait-il de me casser un peu plus la tête sur un problème pour lequel je n’ai que des moitié de réponses ? Je soupire à nouveau alors que mon hôte sort de la tente. Finalement, la question la plus urgente est : vais-je réussir à rester éveillé jusqu’au départ ? Rien n’est moins sûr que ça.

Mes paupières sont de plus en plus lourdes. La position couchée ne m’aide pas du tout. Pour m’aider, je tente de repenser à la manière dont il m’a accosté. Une approche en me couvrant les yeux avant de m’embrasser. Un baiser… Si je me rappelle bien, il n’était pas… mauvais. Pas désagréable. Plutôt que de m'étouffer avec sa langue, il m’a donné une occasion, peut-être. Sur le coup je ne l’avais pas compris. Force de l’habitude avec ces brutes sans… Non, ils ont un cœur. Sans ça, je ne serais pas là aujourd’hui. Mais revenons-en à la personne qui m’intéresse. Donc… son baiser… Puis, il m’a demandé de venir avec lui. Il se collait à moi. Il veut que je sois son… époux. Un époux… Un peu comme si j’étais sa femme ? C’est bizarre. Un peu… Mais je ne suis pas obligé, il m’a dit. En fait, dans toute cette situation, tout repose sur ses dires, comme ce fut le cas avec les mercenaires quand ils m’ont pris avec eux. Donc… m’a-t-il attiré avec de belles paroles ou est-ce la vérité ? Je ne le saurais qu’avec du temps. Quant aux mercenaires, je me demande s’ils sont venus me chercher ou s’ils m’ont abandonné…

Alors que je me pose cette question secrète, l’entrée de la tente s’ouvre pour laisser Zhènfèn Jīngshén me rejoindre. Il m’annonce que nous allons partir sous peu, donc que je dois me lever. Difficilement, m’aidant de mes bras pour m’appuyer sur le matelas, je me relève avant de me mettre debout avec lenteur. Je ne voudrais pas m’effondrer. Et, d’un autre côté, je teste un peu cette personne. Je veux voir s’il compte s’énerver parce que je fais attention à ma santé ou non. Je dois dire que je suis surpris. Très surpris. Loin de m’ordonner d’aller plus vite, il m’aide quand j’en ai besoin et va à mon rythme quand je marche vers l’extérieur.
Dehors, le soleil me brûle les yeux. Je mets donc ma main au niveau de mes sourcils pour me faire un peu d’ombre, bien que cela ne soit pas très efficace. Enfin… Puisque je suis très rapidement monté sur un cheval, rejoint par mon nouveau protecteur, ce n’est pas bien important. Et, alors que je commence à peine à ressentir que j’ai froid, je suis couvert d’une cape, la capuche sur la tête. Soulagé de tant de sollicitude, je me laisse aller contre lui et regarde négligemment autour de moi.

Rapidement, à mes yeux, nous rejoignons une file de personnes. Nous sommes plutôt proche du général de l’armée, si je parviens à bien deviner ce que mes yeux tentent de me montrer. Dans un soupir de lassitude, je ferme les yeux avant de murmurer à l’intention de Zhènfèn Jīngshén :



Je ne voudrais pas commettre un impair. Ah… J’espère me rappeler de ce qu’il va me dire, sinon je vais être mal en me trompant lorsque j’irai mieux… Ou alors j’aurais le droit à un miracle et je vais réussir à le nommer correctement par instinct. Franchement, je n’y crois pas trop. Je n’ai donc plus qu’à espérer qu’il soit du genre magnanime avec les personnes qui ne sont pas malades. Je n’y crois qu’à moitié, à vrai dire…