Il commence à se faire tard. Neuf heures approche à grands pas. De ce fait, je me prépare pour aller me coucher. J’ai laissé quelques documents dont je compte m’occuper dès la première heure, juste avant de prendre le petit déjeuner. Je suis fatigué, ce soir. Je ne peux pas me permettre de trop en faire même si mon père en a besoin rapidement puisque j’ai d’autres projets pour la journée qui vient et qui vont me demander toute mon énergie. Je me demande d’ailleurs si je ne devrais pas demander de l’aide à une personne ou deux pour régler ce problème afin que cela se termine plus facilement. C’est une idée à méditer. La nuit portant conseil, j’espère que je pourrais avoir une meilleure réponse que les doutes qui me tourmentent demain.

Je vais retirer mes vêtements lorsque j’entends toquer à ma porte. Je fronce les sourcils. Qui cela peut bien être à cette heure ? Il est rare qu’une personne soit hors de sa chambre, hormis les personnes désignées pour veiller à la bonne tenue des cadets avant d’aller nous coucher. Je marche silencieusement jusqu’à la porte que j’ouvre doucement. Je découvre alors non pas un maître mais un cadet assez jeune, toujours habillé bien qu’il ne porte aucune veste qui est censée compléter l’uniforme du clan. Il a l’allure calme, de ce que je peux voir. Pourtant, s’il est là, j’imagine que cela doit être à cause d’un problème plutôt urgent. Que cela peut-il être ? Et pourquoi venir me chercher spécifiquement alors que je ne suis pas de garde ? D’une voix proche du chuchotement, je demande :



Me saluant respectueusement, le garçon sans doute aussi âgé que Lan Lei-An s’excuse auprès de moi pour le dérangement occasionné et m’explique brièvement que le problème qui l’amène concerne justement le cadet auquel je viens de penser. L’inquiétude me gagne, surtout si on vient me chercher parce qu’aucun maître ne semble assez digne de confiance à leurs yeux pour qu’ils viennent me chercher de la sorte. Je garde toutefois mon calme et demande en cachant mes émotions secrètes :



Ma question a pour but de lui demander plus d’explications et, ainsi, que je sache quoi faire avant d’aller trouver le garçon absent. J’apprends alors qu’au lieu de s’adonner à des activités calmes après le dîner, Lei-An s’entraîne ardemment à l’épée. Tant et si bien que son shixiong l’a déjà averti qu’il irait prévenir quelqu’un de ses activités puisqu’il semble ne pas s’arrêter avant de tomber d’épuisement. Ainsi, non seulement mon apprenti va au-delà des limites mais, en plus de ça, il était couvert par la personne qui est actuellement en train de le dénoncer. Je soupire doucement et demande un instant au jeune homme. Je vais alors mettre mes chaussures, me couvre de ma veste, et demande en sortant de ma chambre dont je ferme la porte derrière moi :



Je m’inquiète de savoir que Lei-An puisse avoir quelques problèmes puisque je ne sais pas où il a décidé de s’entraîner à l’abri des regards. Je ne peux qu’espérer un peu pour qu’il ne soit pas sorti en dehors de la barrière protectrice qui entoure Yushen Buzhi. Toutefois, puisque je suis armé d’une malchance qui semble me coller sans cesse à la peau depuis environ un mois, je ne me fais pas trop d’espoirs non plus. En chemin, je demande :



J’aimerais vraiment connaître toutes les raisons qui entourent les agissements de ces jeunes apprentis pour mieux les comprendre, mais aussi pour mieux adapter la sanction que je leur donnerais. Pour le moment, peut-être qu’une simple réflexion me semble suffisante, mais ce n'est que parce que je ne connais pas encore toute l’histoire. Peut-être devrais-je me montrer plus sévère si je devais apprendre qu’il y a quelque chose de plus grave derrière leurs agissements et que cela va à l’encontre des règles. Je prends également en compte que si je ne connais pas la situation en amont, relire leur réflexion ne me servira à rien puisque je ne pourrai pas estimer s’ils ont compris leurs erreurs ou non. C’est pourquoi je porte une oreille très attentive à la réponse qui va m’être donnée.

Il est rassurant de savoir que mon shidi en difficulté a été capable de réfléchir à sa sécurité avant de s’entraîner jusqu’au bout de ses forces. Savoir évaluer une situation et le terrain sur lequel nous nous trouvons est une force, surtout lorsque nous sommes en chasse nocturne. J’en viens à me demander si Lei-An serait également capable d’utiliser cette force pendant le combat. J’ai très envie de le tester pour savoir jusqu’où il peut aller, quel est son niveau exact. Toutefois, l’heure n’est pas à cela puisqu’il est bientôt temps de dormir et que le cadet en question est en piteux état si j’en crois la venue de son shixiong. Je note également que les maîtres qui sont chargés de la sécurité de Yushen Buzhi ne sont pas forcément au top. Je crains pour la sécurité du clan si je venais à laisser les choses telles qu’elles le sont actuellement, surtout après avoir été témoin de la force d’une utilisatrice de Yuan Qi qui ne semblait pas là par hasard. Cela n’est pas mon domaine de prédilection et je crains de trop m’avancer par cette pensée, mais n’avait-il pas fallut un minimum de préparation pour que nous soyons entourés d’autant de cadavres aussi forts que des cadavres féroces ? Je me fais un devoir d’aller parler de tout ceci à mon père dès le lendemain si cela tient dans mon planning ou même, si cela est impossible avant, d’instaurer une meilleure sécurité dès que je serais promu zhongzhu. Bien sûr, je n’ai pas hâte que cela arrive. Toutefois, si j’en juge l’état de santé de mon père, je dois me faire à l’idée que cela sera pour bientôt.

Mes pas ont emboîtés ceux du Shidi dont je ne connais toujours pas le nom. Je l’écoute avec attention répondre à la question qui a suivi la précédente, souhaitant savoir la raison pour laquelle il n’a pas dénoncé Lei-An plus tôt. Heureusement que je suis capable de lire entre les lignes dans une certaine mesure sans quoi il m’aurait totalement échappé que lui aussi profitait du terrain d’entraînement de Lei-An. Cette situation n’est pas banale et me donne encore plus envie d’en savoir un peu plus sur les raisons de chacun d’entre eux. Toutefois, la question n’est pas adaptée au moment actuel. De ce fait, je me promets de mener mon enquête dans les jours à venir, quitte à revenir vers eux par la suite afin d’en discuter plus amplement. Mon rôle en tant que maître n’est pas seulement de partir éradiquer les créations de la rancoeur que les Hommes se portent les uns les autres, mais aussi de guider les plus jeunes vers le meilleur afin qu’ils puissent vivre longtemps sur le meilleur des chemins. J’ai juste besoin de l’occasion de le faire et il semblerait que celle-ci soit sur le point de se présenter pour au moins deux de ces jeunes gens. A voir si cela peut également profiter à d’autres.



Avant de continuer à l’interroger sur la situation, je souhaite au moins pouvoir le nommer par son nom, ce qui me semble normal. J’espère qu’il ne m’en voudra pas de ne pas lui avoir demandé plus tôt. Puis, lorsque j’ai connaissance de son identité, je lui demande calmement :



Puisque tous les deux s’entraînaient ensemble tard dans la soirée et qu’ils me semblent plutôt complices, tous les deux, j’ose imaginer que cette personne est certainement au courant que Lei-An a participé à cette chasse désastreuse en ma compagnie. Une intuition d’autant plus alimentée par le fait que c’est moi qu’il est venu trouver au lieu d’un tout autre maître. Après, il est également vrai que je ne suis pas réputé pour être le plus sévère non plus. Cela est vrai, du moins, tant qu’on ne me met pas en colère, ce qui n’arrive que peu souvent en général.

Les noms de ce Shidi sont assez parlants et je me demande si cela est significatif de sa personnalité. Je ne compte pas lui poser la question, ne souhaitant pas me montrer trop intrusif alors que ceci est notre toute première rencontre puis, en plus de cela, d’autres interrogations me trottent dans la tête : pourquoi avoir voulu s’entraîner en dehors de ses cours de pratique ? Ceux-ci ne sont-ils pas suffisants ? Dans la mesure où les cadets doivent apprendre beaucoup de choses en peu de temps, nous ne pouvons pas nous permettre de trop leur en donner non plus. Cela pourrait s’avérer déprimant, décourageant et même plus accablant qu’autre chose. Ce n’est pas notre but, même si nous devons montrer aux plus jeunes que la cultivation n’est pas une pratique sans conséquence ou sans danger. Il est important que chacun ait conscience des risques et de la difficulté de cette voix, surtout quand on sait que la finalité de celle-ci est l’élévation, bien que personne n’ait de véritables certitudes. Personnellement, j’ai déjà bien trop de poids avec mes fonctions de maître et futur zhongzhu pour me permettre de voir au-delà du bien-être du clan. Cela m’accablerait encore plus que je ne le suis actuellement. Pourquoi diable père m’a-t-il amené à un rôle qui me pèse comme un manteau trop grand pour mes frêles épaules ?

La réponse que j’obtiens de mon Shidi est assez équivoque concernant son manque d’envie de me répondre. Peut-être que ses raisons appartiennent à son jardin secret et je ne peux que le respecter. Toutefois, il sera difficile à quiconque de l’aider s’il n’en parle à personne. Je me demande si Lei-An a conscience des difficultés de son shixiong et si c’est ce qui l’a poussé à accepter ce partenaire d’entraînement. Je soupire secrètement en me demandant si j’ai vraiment le droit de pousser mes réflexions et pensées plus loin que cela. J’ai l’impression de vouloir pousser une porte que mon interlocuteur s’évertue à vouloir garder fermée. Je finis donc par simplement par abandonner l’idée d’en savoir plus, m’avançant simplement vers la silhouette blanche allongée sur le sol couverte d’un manteau et une épée à la main. Il semblerait qu’il soit totalement épuisé. Je voudrais pouvoir le porter, toutefois mon bras en écharpe m’en empêche. Est-ce que le réveiller maintenant est nécessaire ? La réponse s’offre à moi comme une évidence : non. Il a besoin de repos, tout comme Lan Shùn Wèn et moi-même. Alors, après avoir fait un état des lieux des potentielles blessures du plus jeune, je me relève et porte un regard sur le cadet resté en retrait.



Pour être honnête, je ne pense pas que j’aurais eu la moindre pitié si nous avions été en plein après-midi ou le matin, à moins que Lei-An n’ait montré aucun signe de réveil. Mais, maintenant, je préfère parler à voix assez basse pour être entendu par mon interlocuteur sans réveiller le dormeur. Si besoin, je me tiens prêt à utiliser mon bras valide ou appeler un confrère pour nous venir en aide. Toutefois, cela ne serait qu’une solution de recours pour éviter plus de blâme que je pourrais en donner. Nous ne devons pas médire, toutefois j’ai bien l’impression que juger le comportement des plus jeunes sans chercher à connaître les tenants et aboutissants de chaque action est devenu monnaie courante, ce qui est fortement déplaisant.

Il semblerait que je ne sois pas le seul à être rassuré concernant l’état de santé de Lei-An. De mon côté, je suis également apaisé de constater qu’il a un bon ami à ses côtés, qu’il n’est pas seul comme j’ai pu l’être dans ma jeunesse. Sans doute n’était-ce pas réellement le cas, pourtant je ne peux m’empêcher de le ressentir de cette manière tant le poids porté jusqu’à maintenant est terriblement lourd sur mes épaules. Être un maître ne me convient pas. J’ai l’impression de passer à côté de beaucoup de choses et, concernant le rôle de zhongzhu, c’est pire encore. Je n’ai personne en qui j’aurais assez confiance pour m’aider quand j’endosserais ces responsabilités écrasantes mais, en plus de ça, puisque je ne sais même pas avoir la confiance et le pardon d’un simple groupe sur lequel je veillais jusque-là, je ne vois pas comment je pourrais faire une telle prouesse avec un clan entier. Je vois déjà les maîtres contester mes prises de décision de la même manière que certains l’avaient fait lorsque j’ai passé l’épreuve m’ayant mené à être le shifu des cadets apprenant au sein du clan.

Soulagé de pouvoir compter sur l’aide de Lan Shùn Wèn, j’accepte sans broncher de prendre l’épée de son shixiong d’un simple geste. A vrai dire, j’aurais préféré être capable de faire le contraire, surtout en voyant combien le poids de son ami semble l’accabler. En étant témoin de cela, il est plutôt difficile de ne pas faire quelques hypothèses pour lesquelles il s’entraînait ici le soir. S’il est frustré par son manque de force ou d’endurance, tout comme Lei-An, il a dû vouloir s’améliorer par tous les moyens possibles. Toutefois, je ne reviens pas sur le sujet, préférant trouver un meilleur moment que celui-ci. A la place, je tente de l’aider discrètement en guidant ses pas, le prévenant s’il devait avoir une racine ou un caillou sur son chemin.

La question qui m’est posée me surprend sur le coup, bien que je la comprenne totalement dans la seconde qui suit. Je réfléchis rapidement avant de décréter en douceur :



Il y a mon travail, mais je dois également penser à aller rapidement voir mon père pour lui faire part de la sécurité si médiocre qu’elle n’en porte que le nom et non la responsabilité. Je commence déjà à avoir mal à la tête à l’idée qu’en plus de ça je doive punir deux élèves sur leurs agissements. Je n’en montre toutefois rien jusqu’à ce que ceux-ci soient retournés chacun dans leur chambre respective. Cela fait, je rentre moi-même dans ma chambre, me fait rapidement une note sur mes observations et tâches supplémentaires avant d’aller me coucher juste avant que neuf heures ne sonnent.



Le lendemain, sans prendre le temps d’aller au petit déjeuner, je m’attelle à mon travail en commençant par les documents laissés la veille. Ceux-ci me prennent plusieurs heures par le manque d’habitude mais, avant le déjeuner, je vais trouver le Zhongzhu pour les lui transmettre en mains propres et, dans le même temps, lui parler de la sécurité de notre clan qui semble laisser des cadets sortir sans qu’ils ne se fassent prendre. Cette discussion nous amène à prendre une décision qui m’ajoute une nouvelle tâche dont je me serais bien passé par le poids énorme qu’elle me porte. Je sens poindre une migraine mais je l’accepte sans protester. Je sais que mon père a besoin d’aide et, puisque je suis la personne la mieux placée pour le faire, je ne peux pas me défiler. Pas que j’ai confiance en mes capacités, mais en tant qu’héritier refuser serait totalement indigne.

Après le déjeuner, je tente d’avancer le projet que j’avais prévu pour la journée avant de faire appeler Lei-An et Lan Shùn Wèn par un de leur shifu sans lui faire part du motif. A moins que le second n’ait pas eu le temps de prévenir l’autre, ils en savent la raison. Je n’ai pas envie d’en informer la totalité du clan. En attendant qu’ils arrivent, je continue ce que je faisais, pas très concentré. Très rapidement, je me rends compte que si je continue sur cette voie je vais devoir recommencer la totalité de mon travail. Je pose donc mon pinceau, pile au moment où on frappe à ma porte. Je me lève et je vais ouvrir la porte. D’un geste, je fais signe d’entrer à mon visiteur.



Après avoir fermé la porte, je vais prendre place derrière mon bureau en écoutant la réponse qui m’est donnée. La nervosité du cadet me donne un indice concernant sa connaissance de la situation, bien que je ne veuille pas trop m’avancer sur la question. Je préfère le vérifier par moi-même :



Suis-je trop froid ? Ou trop sévère ? Je souhaite vraiment être neutre pour le moment afin de comprendre ses raisons et, ainsi, pouvoir lui apporter quelques solutions, surtout qu’il semble encore tourmenté par ce qu’il s’est passé un mois plus tôt. Comment puis-je lui venir en aide ?

L’état de santé de Lan Shùn Wèn m’inquiète puisque, la veille, il semblait aller bien. Toutefois, je me dois de m’occuper du cadet se trouvant devant moi en laissant le médecin du clan faire son travail. Aller trouver le malade n’arrangerait rien à son état et pourrait même lui apporter un stress qui ne ferait que lui nuire. De ce fait, je ne fais aucun commentaire sur la question, déjà rassuré de ne pas avoir affaire à une personne fuyant ses responsabilités. Bien sûr, cela ne serait avéré que s’il venait me trouver une fois qu’il serait guéri, mais j’ose espérer que cela sera le cas.

La personne en face de moi est également du genre à ne pas échapper à ses responsabilités, de ce que je peux voir. Malgré sa tête baissée, il est là, m’écoute… Je préférerais qu’il me regarde, mais je ne peux pas lui en vouloir d’être nerveux. Je l’invite donc calmement à me parler des raisons qui l’ont poussé à sortir s’entraîner après le dîner au lieu de s’adonner à une activité plus calme, plus propice au sommeil à venir. Je ne m’attendais pas à le voir relever la tête, mais c’est un soulagement qu’il le fasse. Son calme détonne avec ce que je pensais de prime abord. Me serais-je trompé ?

Silencieusement, je l’écoute me raconter qu’il rencontre quelques difficultés durant son entraînement de pratique, ce qui l’a amené à vouloir corriger sa posture. En soi, il s’agit d’une volonté louable, bien que je sois curieux de savoir pourquoi il ne le fait pas à une heure plus adaptée ou avec un de ses Shifu. Pourquoi le faire en cachette. D’autant plus qu’il est inquiétant qu’il puisse s’entraîner jusqu’à l’épuisement, porté par l’enthousiasme d’atteindre son but. Avec de telles raisons derrière la situation de la veille, je ne peux pas lui donner une punition et laisser les choses telles qu’elles le sont. J’ai besoin de creuser un peu plus les tenants et aboutissants de cette situation et je compte bien profiter que Lei-An soit plus bavard que son Shixiong pour le faire.



Cela dis, je soupire discrètement pour relâcher un minimum de pression avant de poser une des questions qui me tracassent :



Evidemment, je ne compte pas me baser que sur un seul témoignage. Après mon entrevue avec le cadet, je compte bien parler avec les Lǎoshī pour connaître leur vision de la situation. Après tout, si le problème ne s’était pas posé avant aujourd’hui, c’est que quelque chose a changé entre-temps. Mais qu’est-ce que cela peut être ? Y a-t-il eu un changement de Lǎoshī ? Le problème viendrait-il des facilités de Lei-An et de sa curiosité ? Mais ce dernier n’étant pas le seul, il serait sans doute bien que je me renseigne également concernant Lan Shùn Wén afin de lui apporter également des solutions adaptées. Et si le problème est plus généralisé, peut-être voir plus améliorer l’organisation des cours. Je sais que père souhaite changer le clan petit à petit pour le mener vers le meilleur. En tant que Zhǎngwò et futur Zōngzhu, c’est une occasion pour l’aider dans cette entreprise de la même manière que je tente de donner un mieux à notre sécurité. Je me demande juste si je suis le mieux placé pour proposer de tels changements et si mes idées sont vraiment bonnes à mettre en place. Le Zōngzhu semble être en accord avec moi, alors je ne devrais pas trop m’inquiéter.

Encore une fois, comme si cela devenait une habitude, il semblerait que je me sois montré beaucoup trop sévère avec Lei-An. Ce n’est pourtant pas mon but et je ne peux qu’espérer que mon cadet le comprenne. Qu’il soit en mesure de comprendre que tout ce que je demande c’est pouvoir lui apporter des solutions qui puissent lui convenir. Sauf que, sans connaître le fond du problème, il me sera à jamais impossible de faire quoi que ce soit. C’est d’ailleurs un souci que je vais devoir régler également avec son Shixiong, Lan Shùn Wèn.

Croiser le regard de mon Shidi est très encourageant, tout comme l’entendre me donner ses explications. Patiemment, silencieusement, je l’écoute sans jamais prendre la parole. Pendant ses moments de silence, je laisse passer plusieurs minutes avant de tenter de dire quoi que ce soit, ce qui est une bonne méthode pour respecter ses réflexions et lui donner l’occasion de m’en dire plus. Bien sûr, j’aurais pu en profiter pour poser mes questions, mais je craignais bien trop de le couper dans son élan, surtout que les détails donnés me seront très utiles pour lui donner une alternative à ses entraînements nocturnes.

Mentalement, j’ai noté le nom des deux maîtres qu’il me cite afin que je n’oublie pas d’aller les trouver lorsque je le pourrais afin de pouvoir avoir leur point de vue sur la question, me renseigner sur ses résultats et, sans doute, en faire de même avec son ami qui aurait dû participer à cette entrevue. En tout cas, je ne peux que féliciter le jeune homme d’avoir cherché à combler sa frustration et sa curiosité en se tournant avant toute chose vers ses Shifu qui, eux, lui ont donné les réponses qu’ils pouvaient. Toutefois, ceci n’est que pour la théorie et je ne peux que comprendre ce qu’il me dit alors qu’il m’affirme qu’il ressent un fossé se faire entre la pratique et la théorie. Je ne peux que me mettre à sa place, bien que, contrairement à lui, j’ai été en mesure de freiner toute ma frustration. Je ne suis pas certain de la manière dont je m’y suis pris, mais j’imagine que j’ai simplement étudié en respectant les limites imposées pas le clan, sans quoi j’aurais été bien plus punis que je l’ai été de toute ma jeunesse. Je ne comprends qu’en partie la réaction de son Shifu de pratique. Pourquoi ne l’a-t-il pas dirigé vers un autre maître qui aurait pu lui enseigner dans la limite du raisonnable ? Et, plus que cela, pourquoi toutes ces personnes ne se sont-elles pas concertées pour vérifier le niveau de ce Shidi ? Avec ce qui m’est dit, ce que je vérifierais en aval, il semblerait que son niveau soit bien supérieur à celui d’un Shidi de troisième niveau. Selon ce que je sais de sa pratique, il serait mieux parmi les deuxième niveau malgré son jeune âge. Toutefois, je compte bien me faire un devoir de lui laisser le choix puisque je suis trop bien placé pour savoir combien un changement si tôt peut être perturbant.

Après avoir accueilli ses excuses, je laisse un silence planer pour être certain qu’il n’ait plus rien à ajouter. C’est son attitude qui me fait comprendre plus rapidement que c’est le cas, notamment par les rougeurs de ses joues et son regard bas. Doucement, je lui fais part de ma pensée :



Je réfléchis un instant en vérifiant que mes paroles aient bien atteint leur interlocuteur avant de lui faire part des mesures que je compte prendre de mon côté dans l’espoir de l’aider :



Pour le moment, à part essayer de faire la même chose pour Lan Shùn Wèn, je doute pouvoir faire quoi que ce soit de plus. Voilà pourquoi, avant qu’il ne puisse penser que j’ai totalement oublié sa sortie nocturne sans pour autant être trop rapide dans ma prise de parole, je lui fais connaître sa punition :



A vrai dire, il n’a pas vraiment le choix sur la question même si cela m’a permis de déceler un problème au niveau de la sécurité au sein de Yushen Buzhi. J’aimerais pouvoir faire l’impasse sur ce qu’il s’est passé, mais je crains que cela puisse être vu comme un traitement de faveur, ce que je ne souhaite pas faire, même si je ne peux que comprendre ses raisons. Maintenant, je n’ai plus qu’à agir pour que cela ne se reproduise plus.