C’est la première fois que nous voyageons ensemble, Lei-An, Qīngquán et moi. Et cela aurait dû être la première fois que nous allions chasser ensemble. Tout s’est très bien passé en chemin. Le temps était beau et, même s’il n’était pas chaud, c’était assez agréable pour oublier l’arrivée prochaine de l’automne. Par précaution, je me suis couvert assez chaudement pour la saison et pour prévenir tout changement brutal de température. Une précaution qui s’est finalement révélée totalement inutile. A peine arrivés dans le village que j’ai proposé à mes cadets que nous allions dans une auberge pour nous reposer un peu avant d’investiguer. Je me suis senti extrêmement fatigué et j’ai pensé qu’ils voudraient peut-être manger un peu, de se remettre du petit voyage que nous venons de faire, avant de faire quoi que ce soit de plus. Personnellement, en tout cas, j’en ai ressenti le besoin.

Dès que je suis entré dans la chambre, j’ai laissé Lěng nù sur la table et, sans prendre le temps de me dévêtir, je me suis laissé tomber sur le lit. Cela fait longtemps que je ne me suis pas senti aussi mal… Je me sens lourd et fatigué. J’ai des douleurs musculaires alors que je n’ai rien fais de spécial. J’ai mal à la gorge et à la tête. Je ne me sens pas capable de me placer correctement sur le lit. Ah… Que dirait mon père en me voyant ainsi ?

J’entends toquer à la porte. Depuis combien de temps m’appelle-t-on de cette manière ? Je n’ai la force ni de me lever, ni de répondre. Et il semblerait que l’inquiétude que cela apporte soit à son comble puisque la personne cherchant à me parler entre sans attendre plus longtemps. Il s’agit de mon neveu. Il s'enquiert de mon état et m’aide à mieux m’installer dans le lit. Tout ce que je parviens à lui dire est un “désolé” à peine compréhensible. Je remarque son soupir, mais il ne me reproche rien. Peut-être que cela attendra que j’aille mieux. Je ne connais pas encore très bien son tempérament, à vrai dire. Cela ne fait que très peu de temps que nous nous sommes réellement rencontrés et je pense qu’il va falloir encore un moment avant que nous puissions nous apprivoiser. Néanmoins, il s’occupe de moi de sorte à ce que je puisse me rétablir au plus vite et me demande l’autorisation de mener la chasse avec Lei-An. Difficilement, je lui accorde ce droit avec la promesse de ne pas prendre de risques. Cela me fait mal de les voir partir sans pouvoir veiller sur eux. Je n’aime pas cette situation. S’il arrive quoi que ce soit, je ne pourrais rien faire.

Je me sens agité. Je suis fatigué au point de garder les yeux fermés le plus souvent, mais je n’arrive pas à trouver le sommeil. C’est une sensation horrible, surtout lorsqu’elle est accompagnée de mes douleurs. Je me sens également seul. Seul, inutile, coupable, malade… Rien qui puisse m’aider en réalité. Ah… Si seulement je pouvais avoir la certitude qu’ils iront bien… Devrais-je essayer d’y aller quand même ? Non. Suis-je fou ? Je ne serais qu’un poids de plus dans leurs pattes dans mon état. Y a-t-il quelqu’un qui pourrait les aider ou, au moins, veiller sur eux ? Je m’inquiète tellement… Je crois que cette utilisatrice de Yuan Qi m’a fait bien plus peur que ce que je veux bien l’admettre. Cela m’agite et m’empêche de me reposer, bien que je ne bouge pas énormément non plus. Mes brefs moments de sommeil sont parsemés de cauchemars. Comment m’apaiser ? Sans cela, il est impossible que je sois capable de guérir aussi rapidement que je le voudrais…

Bien que je ne bouge pas de l’extérieur, je ne peux pas en dire autant quand il s’agit des cauchemars qui me tourmentent.

Elle est là, cette utilisatrice de Yuan Qi, riant, jouant de la flûte et tuant tous mes proches alors que je suis tout bonnement enseveli sous des montagnes de cadavres. Je bouge pourtant je reste à la même place tout le temps. Je me débat tant que je semble mourir de chaud. Je suis tout bonnement désespéré… Comment pourrais-je avoir confiance en moi dans ces conditions ? Je ne suis définitivement pas fait pour être un maître, un Zhǎngwò ou le Zōngzhu de GusuLan. Si tel était le cas, jamais je n’aurais pu laisser toutes ces personnes mourir sous mes yeux.

Et, lorsque je suis enfin libéré de cette montagne qui ne cessait de me garder à la même place, je la vois. Mon épée la transperce de part en part au niveau du cœur. Elle sourit. Son sourire m’est adressé, machiavélique alors qu’elle me fait savoir que je suis arrivé trop tard. Non… Non… ! Non !!!!

Effrayé par ce cauchemar, j’ouvre soudainement les yeux, le souffle erratique. Doucement, je me reprends sans bouger énormément. Je me sens épuisé, pourtant je ne sais pas si je pourrais me rendormir tant je me sens agité, apeuré de ce qui pourrait arriver si jamais je venais à me rendormir. Je n’aurais pas dû laisser Lei-An et Qīngquán partir en chasse seuls… Si jamais il venait à leur arriver quelque chose…

Lentement, mon regard se dirige vers la personne à mes côtés alors que je me rends compte qu’on touche ma peau. Sont-ils revenus ? Non. La couleur de la tenue de la personne qui se trouve là ne correspond pas. Par contre, elle me rappelle Huǒ Yín Húdié, ce cultivateur itinérant à qui je dois beaucoup. D’une voix fatiguée, légèrement éraillée, je demande :



S’il s’agit bel et bien de cette personne, je me demande pourquoi elle serait là, dans ma chambre. A moins qu’il n’ait trouvé une information importante à me communiquer et qu’il m’ait trouvé là par hasard alors que nous arrivions avec mes cadets ? Cela fait vraiment beaucoup de hasards quand on y pense… Trop pour être vrai ? Je regrette d’être seul et, aussi, de ne pas pouvoir me lever pour mieux l’accueillir. Comment ai-je donc fait pour tomber malade si soudainement et en cette période de l’année ? Je ne suis pas si faible… Et si mon état s’était empiré lors de la chasse ? Cela aurait été pire… Je déteste savoir que je mets les autres en danger même sans le vouloir, même en prenant mes précautions…



Je crains de ce qui pourrait arriver pendant mon absence, bien que j’ai confiance en eux. Après tout, nous sommes tombés nez à nez avec une utilisatrice de Yuan Qi alors qu’il devait s’agir d’une mission très simple. De plus, actuellement, je n’ai pas pu faire le travail d’investigation avec eux. Cette situation, je la déteste au plus au point !