Je remonte difficilement les escaliers. Le collier en fer est tout froid et il me fait mal autour de mon cou. Mais c’est moins pire que quand j’étais en bas. En bas, c’était horrible. De toute façon, ce n’est jamais bien dans ce village. Tout le monde me fait mal tout le temps. Avec des cailloux, des bâtons, des bouts de métal tout rouges… De plein de façons. J’ai tellement de marques sur mon corps que je ne suis pas sûr de me rappeler la couleur de ma peau. Tout ça à cause de mes cheveux blancs. A cause d’eux, je suis quelqu’un que personne ne veut ici, qui doit être punie à cause du mal qui arrive au village. Mais je n’ai rien fait pour avoir les cheveux blancs, moi… Je n’ai pas choisi… J’en ai marre d’avoir mal… J’en ai marre que tout le monde me déteste… J’en ai marre d’avoir froid… J’en ai marre d’avoir faim… J’en ai marre d’être toujours enchaîné quelque part… J’en ai marre…

Doucement, me faisant le plus petit possible, je vais dans mon coin pour qu’on ne me tape pas. Je ne veux pas qu’on me crie dessus non plus. J’en ai marre, mais j’ai trop peur. Alors, j’attends et je regarde les deux personnes qui me font le plus de mal tous les jours. Je veux pouvoir me protéger un peu quand ils viendront pour me faire mal. Je ne sais jamais quand ils vont le faire. Alors, je surveille toujours ce qu’ils font. Normalement, quand on remonte, soit ils me mettent dehors, sur la place, soit ils m’attachent là où je me trouve maintenant.

C’est bizarre… Pourquoi ils partent alors que je ne suis pas attaché ? C’est bizarre, mais j’attends de voir s’ils reviennent après un moment. J’attends, encore et encore, puis, doucement, je longe le mur pour arriver à la porte d’entrée. Je n’entends presque rien. Comme si tout était vide. Alors, tout doucement, j’ouvre la porte, assez pour que je puisse voir d’un œil ce qu’il se passe dehors. Il y a plein de gens. Certains sont assis, d’autres marchent, beaucoup parlent… Mais personne ne fait attention à moi. Je ne vois pas non plus les deux rois monstres. Alors, doucement, fermant la porte dès que je suis totalement sorti, je me cache dans un coin pour que personne ne me voit. J’ai vraiment peur d’avoir mal si on me trouve ici parce que je n’ai pas le droit. Tremblant, je regarde autour de moi pour voir si je peux trouver quelque chose pour cacher mes cheveux. Après tout, c’est parce que je les ai qu’on me reconnaît le plus… J’aurais dû regarder dans la maison. Ici, dans ma cachette, il n’y a rien du tout. Il n’y a même rien pour que j’ai plus chaud… Mes vêtements sont sales et pas beaux. Je n’ai pas de chaussures comme les autres. Pourquoi… ? Qu’est-ce que j’ai fait… ?

J’essuie mes yeux de mes mains pour pas que les larmes m’empêchent de voir. Je ne vois pas bien du tout. Tout est flou. C’est encore pire quand je suis malade. Là, ça va, je peux encore reconnaître les gens, à peu près.
Quand je relève la tête, je vois un chariot qui passe tout près de ma cachette et qui est près des maisons. Alors, je me cache derrière et je la suis en espérant sortir du village. J’espère. Je me raidis à la moindre appellation un peu forte avant de me rendre compte qu’on ne m’a pas reconnu. Je me fais tout petit en marchant. J’écoute. Je peine à respirer. Je tremble. Je sors du village.
Je… suis sorti ? Personne ne m’a vu ? Vraiment ? Non. En m’en rendant compte, je me suis tout simplement arrêté de marcher en regardant derrière moi. Je n’en croyais pas mes yeux et j’ai cru que j’étais libre. Mais des enfants sont venus en criant que je m’en allait. Je les vois prendre des cailloux, alors je m'accroupis en me protégeant la tête. Je sens les pierres me taper. Ça me fait très mal. Mais entre cette douleur et celle de leurs mots, je ne sais pas ce qui est le pire… Ces mots que disent les plus grands. Que je suis horrible, que je porte malheur, que c'est à cause de moi que les gens sont malades ou blessés… Et, alors que je pensais que c'était fini, l'un me prend par les cheveux et me traîne par terre alors que je crie de douleur en pleurant. Pourquoi ils ne me laissent pas partir s'ils me détestent tous ?! Pourquoi ils me font mal tout le temps ?

J’ai mal ! J’ai peur ! Qu’est-ce qu’ils vont me faire, maintenant ? Et si… ? Non ! Non ! Pas la place du village ! Pas la place du village ? Je ne veux pas ! C’est horrible ! C’est comme la cave ! Ou pire ! Non, c’est pareil, pareil !! Je ne veux pas ! Je ne veux pas !!

J’ai les yeux fermés qui pleurent. J’ai mal partout parce que je suis traîné par terre, ça appuie sur mes marques et mes blessures. En plus, sur le chemin il y a plein de cailloux ! C’est horrible ! C’est comme avec les jouets des monstres rois ! C’est parce que j’ai mal et que j’ai peur que je crie, mais personne ne fait attention à moi. Les méchants qui m’emmènent me tapent en me disant d’arrêter, que je le mérite, mais je ne peux pas. Ils ne savent pas ce que ça fait. Eux, ils ne sont pas détestés. Eux, on peu savoir la couleur de leur peau facilement alors que moi elle est couverte de bleu, de noir, de violet; de rouge et de jaune. Il y a plein de marques, de sang et de terre dessus en plus. Tout ça parce que mes cheveux sont blancs !

Ça s'arrête et on me lâche. Je me lève en m’aidant de mes mains et je vois un garçon plus grand qui fait mal aux autres. C’est bizarre… Il n’a pas les cheveux blancs, lui, alors pourquoi il le traite comme ça ? Pourquoi il lui fait mal ? C’est lui qui voulait jouer ? Dans ce cas, pourquoi ne pas faire ça sur moi ? Je ne comprends pas et ça me fait un peu peur… Son sourire m’a fait peur aussi. Pourtant, quand il parle encore, c’est pour dire qu’il ne fait pas me toucher devant lui. Je ne comprends pas. C’est la toute première fois que quelqu’un demande aux autres de ne rien me faire. Pourtant, tout le monde trouve ça drôle de faire du mal à la personne qu’ils détestent. Et cette personne c’est moi. Qu’est-ce que je dois faire maintenant ? Est-ce que je dois courir, moi aussi ? Ou me cacher ? Ah… Il n’y a pas de cachette autour de nous. Alors… juste rester très silencieux pour qu’il ne me remarque plus ? Ce garçon est si grand et si fort que je suis certain qu’il pourrait me faire encore plus mal. Comme les monstres rois…

Il ne m’a pas oublié en regardant les autres fuir en appelant leur “maman”. Il me regarde et il se met au même niveau que moi, mais il ne me fait pas mal. J’ai quand même encore un peu peur. Je n’ose pas trop regarder ses yeux parce qu’il pourrait ne pas aimer ça et me taper. Mais je peux voir la peau de ses mains qui est plus foncée que celle des autres. C’est comme s’il l’avait colorée avec un fruit marron. Je peux encore mieux le voir quand il me tend une main vers moi. Je me demande ce que ça veut dire quand on fait un geste comme ça. Sa voix ne crie pas quand il me pose une question. Je lève alors un peu les yeux pour essayer de voir s’il est encore en colère ou pas. Mais on ne dirait pas parce que même quand il me dit qu’il s’appelle Hei’An, il ne le fait pas comme ceux du village. Manger… J’ai l’eau à la bouche rien qu’à l’idée ne serait-ce qu’un seul grain de riz ou une miette de pain.

Je n’arrive pas trop à avoir les idées claires. Je pense que manger est bien. Mais, juste après, je me dis que ses yeux sont beaux mais bizarres puisqu’ils ne sont pas de la même couleur. Puis je me rappelle que je dois me lever avant de réaliser qu’un de ses yeux ressemble aux miens. Tout cela avant de me demander si j’ai vraiment le droit de manger alors qu’on me dit toujours que ce n’est pas utile pour une calamité comme moi. J’avale difficilement ma salive et rebaisse mes yeux sur sa main. Les miennes sont contre ma poitrine comme j’ai l’habitude de le faire. Lentement, tremblant parce que j’ai vraiment peur que mes actions amènent la douleur à nouveau, j’avance ma main droite vers la sienne jusqu’à ce que, après une hésitation, je touche légèrement sa peau. Je ne vais pas le salir comme ça ? Je ne vais pas lui donner malheur comme pour le village ? Mais c’est lui qui m’a tendu la main. Ah, non… Tout est toujours de ma faute, alors si quelque chose de mal arrive c’est ma faute…

Malgré mes peurs et mes doutes, le garçon Hei’An m’aide à me lever. Il ne me crie toujours pas dessus. Il ne me tape pas. Rien de tout ça. Je suis soulagé. Au moins un peu. Et, doucement, j’essaie d’essuyer les larmes qui coulent de mes yeux avec ma main qui ne tient pas cette personne qui n’est pas méchante avec moi. Je voudrais rester avec lui. Est-ce que je peux ? Et est-ce que je peux vraiment manger ? Je suis prêt à le suivre de très près même si pour ça je dois m’accrocher à lui ! J’espère juste qu’on ne lui tapera pas dessus à cause de moi…

Hei’An Gege ne me dit rien quand il me relève ou que je m’essuie le visage. Il ne bouge pas non plus. Est-ce qu’il m’attend ? Pourquoi ? Pourquoi il ne me traîne pas comme les autres ? Et pourquoi il ne me dit pas de me dépêcher ? Pourquoi… ? C’est vraiment bizarre qu’il ne fasse rien, mais je préfère un peu. Au moins, ça ne me fait pas mal. Au moins, je peux respirer un peu plus. Est-ce que nous allons partir ailleurs ? Est-ce que je peux enfin quitter les monstres ?

La réponse s’impose à moi quand Gege m’emmène avec lui dans le village. Je ne veux pas rester ici… C’est plein de monstres et ça me fait vraiment peur… Mais je ne dis rien. Je le suis sans le lâcher. Il a l’air vraiment pas méchant, surtout qu’il a dit qu’il ne faut pas me taper. Et quand il marche, il ne va pas trop vite. Je peux marcher sans courir, sans être traîné par terre. Est-ce comme ça que ça devrait toujours être ? Je ne connais rien d’autre que le village et quand on me fait mal. Je voudrais que dehors ce soit différent, que ce soit doux comme avec Gege. Pas comme mon nom qu’il me demande. Devrais-je le lui dire ? Je le déteste comme les gens me détestent. Alors, je ne veux pas qu’on m’appelle comme ça. Je ne veux pas que Gege m’appelle comme ça ! Mais si je ne lui réponds pas, je suis sûr qu’il ne va pas être content et il va être en colère. Pour qu’il ne le soit pas et ne me crie pas dessus, je réponds d’une toute petite voix :



C’est comme ça que tout le monde m’appelle tout le temps. J’ai mal à chaque fois que je l’entends. Même quand je “les” désigne comme des “monstres rois” c’est parce que je ne sais pas comment dire autrement ce que je ressens. Je voudrais connaître d’autres mots pour ne pas avoir mal quand je prononce celui-là ou pour que je ne me vois pas. Ce n’est pas de moi dont je veux parler mais d’eux. Eux qui me détestent mais qui me gardent quand même. Eux qui me donnent pour que j'aille sur la place. D’ailleurs, j’espère que ce n’est pas là-bas qu’il m’emmène… J’ai l’impression que ceux qui me regardent quand on passe n’attendent que ça. Je frissonne à l’idée de ce qu’on me fait quand j’y suis. Je ne me sens pas bien…

Nous entrons dans un bâtiment. Je n’y suis jamais allé, mais je sais qu’il est près de la maison des monstres rois. Je regarde tout autour de moi en tenant toujours la main de Gege et sa manche. Pourquoi on vient ici ? Je suis content qu’on n’aille pas sur la place, mais je ne comprends pas pourquoi il veut voir celui vers qui il va. Surtout qu’il a vraiment un regard qui fait peur ! Surtout quand il me regarde ! Je me cache alors que j’écoute. Gege demande à manger avec plein de détails que je ne comprends pas trop. C’est quoi payer ? Pourquoi il dit qu’il faut que le monsieur doit être raisonnable ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Je voudrais demander tout ça à Gege, mais comme il y a beaucoup de monde, je n’ose pas.
Tient ? Pourquoi nous allons dehors ? Et le repas ? Il a dit qu’il en voulait, alors pourquoi nous partons ? A peine que je me pose la question que nous sommes à côté d’une table dans une zone où il n’y a presque personne. Il me montre une chaise avant d’aller s’asseoir en face. Est-ce que je peux faire pareil ? D’habitude, on me dit d’aller dans un coin et de me faire tout petit. Est-ce que je me trompe quand je pense que c’est différent maintenant ? Je n’ose pas imaginer ce qu’il se passera si jamais je me suis trompé…

J’hésite très longtemps avant de m’asseoir en surveillant les expressions de Gege au cas où je me serais trompé. Je ne veux pas rester s’il est en colère. Je ne veux pas avoir mal. Mais il ne dit rien et le monsieur qui me regarde comme s’il allait me taper arrive avec des plats. Il met des assiettes super belles devant Gege et des plats en bois avec des légumes tout fripés devant moi.

“Gongzi, je vous souhaite un bon appétit.” dit-il poliment en s’inclinant.

Je me demande pourquoi il parle si gentiment à Gege alors qu’il semble me dire que je ferais mieux de partir quand il me regarde avant de commencer à nous tourner le dos afin d’aller vers d’autres personnes. Ils me détestent tous vraiment…

Je sais que le monsieur qui a apporté les plats est méchant avec moi, comme tous les autres, et je sais que ce qui est devant moi n’est pas bon. Mais j’ai faim. Vraiment très faim. Je ne me rappelle quand est la dernière fois que j’ai mangé quelque chose. Ce n’est pas grave si ça n’a pas bon goût, je veux juste pouvoir manger quelque chose. Mais je n’ose pas toucher ce qui est devant moi sans qu’on me dise que je peux le faire. Si je n’attends pas, je pourrais me faire taper. Normalement, je n’ai même pas le droit d’être assis comme ça et de prendre ce qui est sur les tables. Pour moi, ce que j’ai le droit d’avoir, c’est ce qui est par terre. C’est tout. Alors, je regarde le plat en salivant beaucoup. Je suis même obligé de m’essuyer le visage parce que ça coule sur mon menton. Je ne regarde pas vraiment ce qui se passe autour de moi tellement mon attention est prise par l’odeur de la nourriture et le fait qu’elle est juste sous mon nez.

C’est un très gros bruit et un hurlement qui me font sursauter et regarder autour de moi. J’ai peur. Est-ce que j’ai fait quelque chose de mal ? On me parlait et je n’ai pas écouté ? Pardon ! Pardon ! Je ne le ferai plus mais ne me tapez pas !! Rien ne vient même si je me protège de mes bras en tremblant, les yeux fermés. J’ouvre tout doucement les yeux pour regarder et je peux voir que le monsieur qui allait partir est encore là. Son visage est tout rouge, comme les yeux de Gege qui n’a pas l’air content du tout. En regardant un peu sur la table, je vois les baguettes de Gege dans la main du monsieur qui est plus grand et plus fort que nous. Comment il a fait ça ? Il ne me le fera pas, hein ? J’ai peur qu’il se mette aussi en colère contre moi. Je ne sais pas trop pourquoi, mais c’est ce qui me fait le plus peur. Il m’a dit que je peux être assis à table, hein ? J’ai le droit ? Il ne va pas se mettre en colère ? Je ne sais plus et ça me fait peur… Mais je promets de faire tout ce qu’il me dit pour qu’il ne me fasse pas mal. Je ne veux pas avoir des baguettes dans la main… Ca a l’air de faire vraiment mal. Je n’aime pas avoir mal…

Je crois avoir compris que Gege donne un choix au monsieur à cause de la nourriture devant moi. Pourquoi ? Quelque chose ne va pas avec ça ? Je ne comprends pas du tout, mais je ne demande pas parce que ce n’est pas à moi qu’on parle. Le monsieur dit qu’il va nous donner deux autres plats en laissant tout le reste. Il part en se tenant le poignet en gardant les baguettes dans la main. Je me demande pourquoi il ne les enlève pas si ça fait mal comme ça. Puis, je regarde Hei’An Gege pour essayer de savoir s’il est encore en colère et ce qu’il va faire. Ses yeux changent encore de couleur, c’est très bizarre. Est-ce que moi aussi je pourrais le faire un jour ? Pourquoi les autres ne peuvent pas le faire ?
Pourquoi il me retire les assiettes ?! J’ai faim moi… Ce n’était pas pour moi ? Je n’aurais pas le droit de manger, encore ? Je sens mes yeux devenir lourds, mais ils ne deviennent pas mouillés parce que Gege me donne les assiettes qui étaient devant lui. Je les regarde, la bave encore plus dans la bouche que j’avale juste avant qu’elle ne coule encore. Puis, je regarde Gege sans comprendre. Ce n’était pas pour lui ? C’est vraiment pour moi ? J’ai vraiment le droit ? Pourquoi j’ai le droit aujourd’hui ? J’ai fait quelque chose de bien ? C’est parce que je suis obéissant ?

J’ai l’impression que Gege peut lire dans les pensées, même s’il ne répond pas à toutes mes questions. Mais, au moins, je peux manger ! Sans me faire prier, gardant les assiettes contre moi et en faisant attention à ce que personne ne tente de me prendre ma nourriture, je mange rapidement. Je ne finis jamais ce que j’ai dans la bouche avant d’en remettre. Même quand Gege me dit de ne pas le faire, c’est très difficile. Je continue de regarder autour de moi et de garder les assiettes contre moi. J’essaie quand même de manger moins vite. Je mâche vite mais avale cette fois avant de remplir ma bouche encore une fois. Je n’arrive pas à faire mieux que ça.

Pendant que je mange, il y a une dame qui vient. C’est celle qui est très souvent avec le monsieur qui était là avant et qui a maintenant les baguettes dans la main. Elle sourit à Hei’An Gege, mais elle me regarde du coin de l'œil. Elle va me prendre mon repas ? Je la regarde avec méfiance en gardant ma nourriture avec moi, encore plus qu’avant. Non ! Elle ne me le prendra pas ! C’est Gege qui l’a donné pour moi, alors j’ai le droit !
Elle lui donne les deux plats qui sont beaux comme ceux que je mange maintenant en lui disant qu’elle espère que cela lui plaira. Mais elle ne peut pas partir parce que Gege lui demande qui a fait les plats qui étaient avant devant moi. Pourquoi il veut savoir ça ? Pourquoi il est en colère à cause de ça ?

“Je suis désolée, Gonzi… Notre commis s’est chargé de ces plats-ci et ils ont dû se mélanger à votre commande. Je suis sincèrement navrée que vous ayez dû voir ses piètres qualités. Je vous prie de bien vouloir nous pardonner cette erreur.”

Hei’An Gege demande à voir le commis. Pourquoi ? Lui aussi, il pense que demander pardon ça ne suffit pas ? Je profite que la dame soit partie pour continuer de manger en espérant ne plus la voir. Je la déteste.
J’ai presque fini la première assiette quand un garçon que je n’ai jamais vu, ce qui me semble un peu bizarre, vient vers nous. Il s’incline profondément devant Hei’An en disant :

“Bonjour, Gonzi. On m’a dit que vous vouliez me voir ? Que se passe-t-il ?”

J’ai l’impression qu’il a peur, comme moi. Il joue avec ses mains et ne regarde pas Gege comme les autres. Il ne sourit pas non plus. Il ne me regarde pas comme le monsieur et la dame l’ont fait non plus. Il est vraiment différent. Pas comme Hei’An Gege non plus. Pourquoi ? C’est quoi qui n’est pas pareil ? Je pensais vraiment que tout le monde était pareil, moi…

Hei’An Gege regarde le garçon que je ne reconnais pas, même si je le regarde en mangeant. Il lui parle et, surtout, il lui montre les plats qu’il m’a enlevés pour lui demander s’il les a faits. Pourquoi il veut savoir qui ? Ce n’est pas grave. Je peux les manger. J’ai l’habitude et tant que ça remplit le ventre c’est le plus important. Mais il n’y a que moi qui ne veut pas savoir. Le garçon, lui, tremble en répondant sans regarder Gege qui ne le lâche pas des yeux :

“J-je suis désolé, Gonzi. Je ne suis pas celui qui a fait ce… plat… Je ne me serais pas permis de faire quelque chose comme ça. Mais j’ai vu la Guniang le faire avec les plats que ce jeune garçon est en train de manger. Veuillez me pardonner, Gonzi. Je ne puis vous donner une meilleure réponse que celle-ci dans la mesure où les propriétaires ne me permettent pas vraiment de lâcher mon travail des yeux…”

Gege ne dit rien avant de demander à voir la femme qui est partie avant. Je regarde Gege en me demandant si c’est obligé de la voir. Je ne veux pas la voir. Je la déteste et elle me déteste. Alors, ce n’est pas grave si on ne sait pas. Je ne veux juste pas la voir. Mais elle vient quand même après que le garçon soit partit. Elle est en colère. Je le vois. Je ne veux pas qu’on soit en colère. Je déteste ça ! Mais même si elle est en colère, c’est moins que Gege. Et elle le voit aussi, peut-être. Pourquoi elle parlerait gentiment, sinon ?

“Cela ne s’est-il pas bien passé avec le… ?”

Pourquoi elle s’arrête ? Pourquoi elle a l’air d’avoir peur ? Je regarde Hei’An Gege et je vois ses yeux qui sont encore rouges. C’est… à cause de ça ? Vraiment ?! Si ça fait peur et que ça aide pour qu’on ne fasse pas mal, moi aussi je veux pouvoir faire ça ! Moi aussi je veux faire peur pour que plus personne ne me fasse mal ! Mais Gege mais fait aussi un peu peur quand même, surtout quand il parle avec les méchants. Je ne comprends pas tout, mais je vois que celle-là voudrait partir pour se cacher. Alors ? Qu’est-ce que ça fait d’être à ma place ? Et encore, il ne la frappe pas. Alors elle n’a pas à se plaindre ! Je commence à ne plus vraiment avoir peur de Gege. Alors, je continue de manger sans écouter ce qui est dit pour le moment. Pas tant qu’elle est là. Moins je la vois, mieux je vais.

Quand elle est partie, je regarde Gege. Lui aussi, il me regarde et il me tend un bout de tissu. Il n’y a pas de terre dessus, alors, si je le prends, je vais le salir… Je regarde Gege, sans savoir quoi faire. Il me dit que c’est pour m’essuyer alors… je peux le salir ? Au fond, comme il m’a dit de le prendre, alors je dois obéir. Alors, doucement, je tends une main un peu tremblante pour attraper le tissu et, doucement, toujours en regardant Gege, je m’essuie. Pour répondre à sa question, je hoche la tête doucement. Mais… pourquoi je ne peux pas juste manger les plats qu’il reste ? Ils sont moins bons, mais ça se mange quand même. Je n’ose pas le lui dire parce qu’il était en colère à cause d’eux. Je prends donc le verre qu’il pousse vers moi et je bois toute l’eau qu’il y a dedans. Je repose le verre en léchant mes lèvres. Ça fait vraiment du bien.

Avant que je puisse prendre une assiette avec les légumes pas jolis dedans, Gege me dit qu’il ne veut pas m’appeler “Guàiwù”, mais que désormais il m’appellera Yù. Il m’apprend que Yù est une très jolie pierre qu’on aime et qu’elle est encore mieux quand on la taille. Est-ce que je ne suis pas beau pour qu’il veuille me faire devenir un beau joyau. Je regarde Gege et, d’une toute petite voix qui pourrait ne pas être entendue puisque moi je n’y arrive pas trop, je lui demande :



J’ai son nom et pour moi il est un Gege. Mais je ne sais pas comment on appelle un maître. Et je vais faire quoi en étant son apprenti ? Je me demande tout ça et j’écoute ce qu’il me dit en essayant d’attraper les assiettes laissées entre nous dans l’idée d’en manger le contenu. Je ne veux pas laisser quelque chose que je peux manger. Je ne veux plus jamais avoir faim maintenant que je n’ai plus cette sensation de creux dans le ventre.

J’ai un peu peur de la réponse. Jamais on n’a répondu à mes questions, sauf quand c’était vraiment utile pour les personnes et toujours méchamment. Je ne veux pas que Gege devienne méchant avec moi. Alors, est-ce que j’aurais dû ne pas poser ma question ? Est-ce que si je prends les assiettes entre nous il oubliera ? Je tends les bras pour essayer de les attraper, mais c’est autre chose que je sens entre mes doigts. Mes yeux s’arrondissent à cause de la surprise que je ressens en voyant la belle assiette de Gege dans mes mains. Je le regarde sans être sûr de ce à quoi il pense. C’est tellement bizarre ! Je le savais parce qu’il m’a sauvé tout à l’heure, mais il est vraiment pas comme les autres. Pourquoi ? M’aider ? C’est possible ? Je vais pouvoir partir avec lui alors ? Mais… Si je peux partir avec lui, pourquoi nous restons ici ? Il a même dit à l’autre qu’il allait rester ici un moment. Je le regarde sans comprendre, mais rien ne franchit mes lèvres cette fois, ce qui le laisse me dire que je dois l’appeler “maître Hei’An”. Parce qu’il est mon maître, alors. Alors il va m’appeler “apprenti” parce que je le suis ? Mais, au fait, qu’est-ce que ça veut dire ? C’est parce qu’il va m’apprendre ?
…

Parce que je ne suis pas sûr de comprendre et que je ne veux absolument pas perdre ce que j’ai gagné, je tire l’assiette vers moi et l’entoure de mon bras. Il est tordu alors que l’autre non. Ça se voit encore plus quand j’essaie de faire un rond autour de ce que je mange. Comme avant, j’essaie de manger plus doucement, mais c’est super difficile. Au moins, je termine ma bouche avant de la remplir à nouveau. Mais vite quand même parce que je veux pas qu’il change d’avis. Pas après qu’il m’ait laissé prendre !

Pendant que je mange, Shīfu répond un peu à ma question que je n’ai pas posée, comme s’il avait lu dans mes pensées. C’est incroyable ! Moi aussi je veux lire dans les pensées ! Il me dit qu’il va m’apprendre beaucoup de choses et que je vais devoir les maîtriser pour les utiliser. Pourquoi il me dit aussi que je ne peux pas partir avec lui ? Ce n’était pas ça ? Mais je veux pas rester tout seul, moi. Ça fait peur et je peux rien faire quand je suis tout seul. Pourquoi mon Shīfu ne veut pas rester avec moi ? Il me déteste, lui aussi ? S’il me déteste, pourquoi m’apprendre et me donner à manger ? Je le regarde sans trop comprendre. Mais est-ce que je peux vraiment lui demander pourquoi ? Il risque de se mettre en colère, et la colère ça fait vraiment trop peur. J’essaie alors de me concentrer sur ce qu’il m’a dit et je lui demande d’une toute petite voix :



Je comprends même pas ce qu’il va m’apprendre. Il m’a dit “beaucoup de choses”, mais ça me dit pas quoi. Ça va m’aider ? Comment ? Pourquoi ? J’aime pas quand je comprends pas… J’aime pas quand je sais pas… J’arrive plus à manger à cause de la boule que je sens dans ma gorge. J’ai envie de tout recracher même si j’ai déjà tout avalé. Je veux me cacher aussi. Mais Shīfu n’est pas méchant. Il m’a pas tapé, et pas crié dessus non plus. Il m’emmène pas à la place et il me laisse manger de très bonnes choses. Il se met pas en colère alors que je suis assis à table comme lui. Il me fait pas manger par terre. Il est pas du tout comme tous les méchants du village. Alors, c’est pour ça que je comprends pas tout ce qu’il me dit ?

Qu’est-ce que je devrais penser ? Qu’est-ce que je dois faire ? Je regarde le grand verre d’eau avant de regarder encore Shīfu en attendant une réponse à ma question. Ou une réaction. Est-ce qu’il réfléchit à comment il va me faire mal et c’est pour ça qu’il dit rien ? Ou pense-t-il que j’ai pris trop de liberté ? Je commence à avoir mal au ventre quand il me dit que je saurais tout seul quand utiliser ce qu’il va m’apprendre. Je sais pas trop ce qu’est l’instinct, mais c’est pas important pour moi. Il est pas en colère. Il crie pas et me tape pas. Je pouvais poser ma question, alors ? Ouah… Shīfu est vraiment pas comme les autres et je déteste pas ça du tout. Par contre, c’est pas pareil quand il me dit que pour ce qu’il va m’apprendre, je me dirais juste qu’il faut quand je le fasse quand il le faudra. J’ai l’impression qu’il va me laisser tout seul, mais je veux pas ça. Il est comme la lumière d’une bougie dans le noir et je veux pas m’éloigner de cette lumière. Si je la vois plus, je saurais plus où je dois aller ou ce que je dois faire… Je veux pas que ma vie revienne à comme je la connais.

Je recommence à manger pour finir mon assiette après que j’ai hoché la tête en regardant Shīfu. Je n’ose pas dire que je veux pas parce que sinon il pourrait vraiment se mettre en colère pour ça. Et, quand j’ai fini, je prends le grand verre pour boire l’eau qu’il y a dedans. J’ai jamais mangé autant et c’était jamais aussi bon. Même boire, je l’ai pas fait autant. Ça fait vraiment du bien ! Alors quand Hei’An Shīfu me demande si j’ai fini, je hoche la tête deux fois. Comme il se lève, je descends de ma chaise en grimaçant. Une de mes jambes me fait mal, mais je le suis sans rien dire. Je veux pas qu’il me laisse derrière. Alors je monte en restant juste derrière lui et entre dans une pièce que je découvre. Il y a plein de choses que j’ai jamais vues avant. Est-ce que j’ai le droit d’être ici ? Est-ce que je peux entrer ? Je ne dois pas me mettre dans un coin ? Je veux pas le faire, mais je veux pas non plus le mettre en colère. Je réfléchis en le regardant prendre des morceaux de tissu tout beau.

C’est quand il entre dans une autre pièce que je le rejoins en restant à l’entrée, me cachant à moitié. Ici encore il y a plein de choses que j’ai jamais vues avant. Et pourquoi il passe un bras dans cette immense bassine ? Il doit y avoir de l’eau dedans parce que son bras est tout mouillé quand il le sort. Est-ce que je vais connaître une nouvelle douleur ? Je fronce les sourcils en imaginant ce que ça peut être et je frissonne.

Quand il me regarde, Shīfu me dit que je vais prendre un bain et que ça me fera du bien. Je comprends que j’ai le droit d’être là et j’entre doucement dans la pièce pour m’approcher de lui. Je vais vers la bassine pour regarder dedans. Il y a plein d’eau dedans et elle fait chaud quand j’approche mon doigt d’elle. Mais… Qu’est-ce que c’est, un bain ? Pourquoi ça me fera du bien ? Pourquoi je dois le prendre ? Comment est-ce que je peux poser ces questions ? Je peux le faire comme avant au moins ? J’hésite. J’ai peur qu’il devienne effrayant avec moi. Je veux pas qu’il me déteste tout d’un coup alors qu’il est pas méchant avec moi. Tiens ? Pourquoi il regarde les… vêtements ? Ils sont pour qui ? Pour lui, non ? Non. Quand il les pose, il me dit que je dois les mettre après m’être séché après le bain.

Je le regarde sans savoir quoi faire. Et, quand il part pour aller dans l’autre pièce, je demande d’une toute petite voix, posant mes deux indexes l’un contre l’autre devant ma poitrine :



Je crois que ça a un lien avec l’eau parce qu’il a parlé de me sécher mais… si c’est ça… comment je le prends ? A quoi ça sert ? Pourquoi ça me fera du bien ? Je suis totalement perdu. … Et si je devais enlever mes vêtements ?! Non !! Jamais !! Si je le fais, on va encore me faire mal dans mon ventre !! Je veux pas ça…

Hei’An Shīfu me regarde en clignant des yeux. J’ai… dit une bêtise ? Est-ce que j’ai fait quelque chose de mal ? J’arrive pas à savoir quand il fait ça… Alors, je le regarde pour qu’il bouge pas sans que je le vois. Mais il bouge pas. Il me regarde juste en me disant que “prendre un bain”, c’est aller dans la bassine pour se laver et se réchauffer. La chaleur. C’est trop bien ! Je déteste avoir froid, alors la chaleur c’est bien. Mais je fronce les sourcils quand il me dit que je dois le faire sans mes vêtements. Je prends les manches dans mes mains et je fais comme quand je me couvre en hiver avec le tissu qu’on a mis dans mon coin. Quand on m’enlève mes vêtements, c’est que pour me faire mal. Sur tout le corps et dans mon ventre. Alors je veux pas. Je tremble parce que je veux pas et que j’ai peur. Mais je regarde encore Shīfu. Il va pas me les enlever lui, hein ?

J’avale difficilement l’eau que j’ai dans la bouche. Il a soupiré. Il a pas aimé que je fasse ça, j’en suis sûr. Il va me taper et se mettre en colère. Ou l’inverse. C’est sûr ! Mais non. Il lève pas les mains et il plie les jambes pour que j’ai plus à lever la tête quand je le regarde. C’est bizarre… Pourquoi il fait ça ? Ça peut vraiment se faire ? Et maintenant il promet de pas me faire mal. C’est quand qu’il a vu que j’ai mal ? J’ai essayé de pas le monter pourtant. Il est vraiment trop fort ! Mais il dit qu’il va me soigner. Comment il va faire ? Comment les douleurs vont être encore plus fortes ? Pourquoi ? J’ai du mal à imaginer et j’ai peur de ce qui me vient en tête. Je veux pas qu’il enlève mes vêtements même s’il a dit qu’il ferait pas mal. D’autres gens ont dit qu’ils feraient pas mal mais c’était pas vrai. Ils ont fait mal quand même. Surtout quand j’étais sur la place en fait. Mmh… Est-ce que c’est que sur la place et que je suis attaché que je peux pas croire ces promesses ? Alors je peux croire Shīfu ? Je reste un peu sans bouger pour savoir si je veux dire “oui” ou “non” à ma question. Puis, pas trop sûr, je hoche la tête. Ça va aller, hein ?

Shīfu me promet encore deux choses. Les deux choses veulent dire une seule : je vais être seul si je veux tant que je serais là. Je sens mes épaules qui se baissent un peu. J’ai moins mal au ventre aussi. Je hoche la tête et j’ai pas peur de le faire. Je regarde Shīfu prendre un truc et le poser à côté du “bain” et il me dit comment je dois utiliser, ce que je dois faire avec. Il me dit encore que je peux prendre mon temps, et que j’apprendrais rien si je suis sale et blessé. Ca me fait un peu peur… Comment je peux savoir si je suis plus sale ? Mais je demande pas. Il a répondu à beaucoup de questions et je veux pas qu’il pense que je fais trop.

Est-ce qu’il lit vraiment dans la tête des gens ? Il a répondu à ce que j’ai peur en me disant que je peux poser mes questions. Il dit qu’il se mettra pas en colère et que parce qu’il est mon Shīfu il répondra quand je pose une question pour m’apprendre. Je réponds d’une petite voix :



Mais je demande rien. J’ai plein de choses à faire maintenant et si je demande comment je peux savoir si je suis pas sale, j’ai un peu peur qu’il me montre. Je sais pas comment il pourrait me montrer. Il faut que ma peau soit comme la sienne, non ?

J’attends d’être tout seul et j’attends un peu. Quand je suis sûr que personne va entrer, j’enlève tout doucement mes vêtements pour la toute première fois depuis très longtemps tout seul. Je fais tout doucement parce que j’ai mal et que je veux les remettre vite si jamais y’a quelqu’un qui vient. Mais personne vient et je peux entrer dans l’eau, tout doucement. L’eau est pas froide du tout. Ça fait du bien et je soupire en fermant les yeux. Et si je mets la tête dans l’eau aussi ? J’essaie et je ressors la tête, tout mouillé. C’est trop bien ! Un sourire se forme sur mes lèvres et j’essaie de me laver. Ça enlève la terre partout, mais les tâches violettes, rouges, les coupures et tout ça s’enlèvent pas. Ça fait mal même… Alors j’arrête et j’enlève que la terre partout. Je frotte aussi mon visage et mes cheveux parce que pense que même là je suis sale. Et si je suis sale j'apprendrai pas. C’est ce que m’a dit Shīfu.

Quand j’ai fini, l’eau est toute noire. Alors, je sors doucement. J’ai quand même mal, mais moins que si j’avais pas fait attention. Je prends un truc pour me sécher qui n’est pas mes anciens ou mes nouveaux vêtements. Puis, quand j’ai mis les nouveaux sur moi, j’ouvre doucement la porte. J’arrive pas à faire tenir les nouveaux vêtements, je sais pas comment attacher alors je les tiens avec les mains. Et mes cheveux sont encore mouillés, mais je sais pas comment les essuyer pour qu’ils fassent plus de gouttes. Est-ce que Shīfu va quand même m’apprendre ? J’ai fait comme je peux…

En regardant la pièce, je vois beaucoup de choses qui ne sont pas comme quand je suis allé avec la bassine. Shīfu est à côté de la table. Dessus, il y a plein de choses : des herbes, du tissu et plein d’autres choses que je connais pas. Ils n’étaient pas là, avant. Mais je peux pas demander ce que c’est parce que Hei’An Shīfu soupire. J’aime pas trop ça et je me retiens de respirer en attendant de voir ce qu’il va faire. Je veux pas qu’il soit en colère. Mais comme j’arrive pas à attacher les vêtements, ça peut pas être autrement. J’en suis sûr… Je mange mes joues et je sens le goût du sang alors que je le regarde s’approcher de moi. Est-ce qu’il va me taper ? Ou m’enlever mes vêtements ? Je les tiens un peu plus forts en fronçant un peu les sourcils et en tremblant. Peut-être qu’il voulait pas le faire tant que j’étais sale. Maintenant que je suis propre, il veut peut-être faire comme les autres et qu’il m’apprendra rien en fait. J’ai envie de reculer. M’enfermer dans l’autre pièce aussi. Mais je bouge pas. J’ose pas… J’ai peur de ce qu’il pourrait faire si je bouge…

Comme à côté de la bassine, il s'accroupit devant moi et je peux le regarder sans lever la tête. Il crie pas et tape pas. A la place, il me dit qu’il va m’aider à faire un nœud pour fermer les vêtements. Est-ce qu’il dit ça pour que je les lâche ? Mais ils vont tomber si je le fais. Et s’il en profitait pour me toucher ? Je frissonne à l’idée. Mais je veux pas tester sa patience. Je veux pas qu’il me tape si je l’écoute pas. Alors, tout doucement, je lâche mes vêtements et je le laisse faire. Je me détends quand je vois qu’il me touche pas et qu’il se met pas en colère. Il est vraiment pas du tout comme les autres. Je respire plus facilement alors que je le regarde faire en notant tous ses gestes. Je mémorise tout et je me dis que je vais m’exercer pour le faire. J’ai peur que comme je vois flou j’ai pas tout vu même si je vois mieux que quand je suis fatigué ou malade.

Je pâlis quand je sens les vêtements moins serrés. Je comprends qu’il a défait ce qu’il vient de faire et j’ai peur de ce que ça veut dire. Je me détends quand il me dit que je l’ai vu à l’envers et qu’il veut me montrer bien pour que je puisse le faire moi aussi après. Je le laisse se lever et, même si j’ai encore peur, je le regarde aller derrière moi. Tout va bien. J’ai mes vêtements. Et il me touche pas depuis le début. Il va juste faire le nœud. C’est vraiment ce qu’il va faire, hein ? Il a pas menti ? Je peux rester là sans fuir ? Je veux fuir. J’ai les larmes dans mes yeux. J’aime pas quand il y a quelqu’un derrière moi. Je sens son souffle. Je sens son torse dans mon dos. Mais il bouge pas. Il fait rien. Je soupire tout doucement pour me détendre et je regarde ses gestes quand il refait le nœud. Et, quand il a fini, il me demande si j’ai compris. Je hoche la tête doucement pour le secouer quand il veut savoir s’il veut qu’il le refasse. Je veux plus sur moi. Ça me fait peur de sentir mes vêtements se desserrer.

Il part vers la bassine pour prendre la serviette. J’ose pas bouger. Alors, je l’attends pour voir ce qu’il va faire maintenant. Il se rapproche de moi et je le laisse faire. Il fait pas les gestes que les autres font quand ils me tapent. J’ai donc pas trop peur. Et il pose la serviette sur ma tête et il essuie mes cheveux tout doucement. Il veut pas que je tombe malade. J’hésite en jouant avec mes doigts. Je demande quand même d’une toute petite voix :



Je me demande vraiment pourquoi il fait rien comme les autres. Il veut même m’apprendre. Il me donne à manger, à boire, un bain, des vêtements… Je me sens bien mieux comme ça, même si j’ai encore beaucoup de mal. Je pense que c’est bien. Je comprends juste pas du tout pourquoi ça change tout d’un coup. Pourquoi Shīfu s’est mis en colère pour moi ? Pourquoi il veut m’apprendre ? Est-ce qu’il va me le dire ?

Mon esprit est, encore, plein de doutes. Je comprends pas ces changements qui sont venus d’un seul coup chambouler ma vie. Je déteste pas manger, boire, le bain, et tout ça. Juste, je comprends pas pourquoi ça vient d’un coup. Je comprends pas pourquoi lui et pas les autres. Mais la réponse à ma question répond pas à tout ça. Pour lui, si je dois pas tomber malade, ce que j’ai demandé, c’est parce que sinon je pourrais rien apprendre. Je veux apprendre ! Je veux pas qu’il parte parce que je suis malade ! Il faut pas que je sois malade… J’ai peur parce que je suis pas bien très souvent. Si je suis pas bien et qu’il part, qu’est-ce que je vais faire ? Je veux pas que ce qu’il fait pour moi s’arrête. Il est pas méchant avec moi. Je le déteste pas. Il fait pas mal et se met pas en colère dès que je fais quelque chose ou non. Je veux rester avec lui tout le temps.

Mon regard suit la serviette qui quitte mes cheveux pour aller près de la bassine, par terre. Qu’est-ce qui se passe ? Je regarde Hei’An Shīfu pour essayer de comprendre et je vois son signe. Un peu curieux de ce qu’il veut m’apprendre ou ce qu’il veut faire d’autre, je m’approche doucement. Il y a tellement de choses que j’ai jamais vues ici. Comme le meuble qu’il appelle lit. Je montre celui avec des tissus dessus pour être sûr de pas me tromper. Et je me suis pas trompé, alors je m'assois dessus comme il m’a demandé de le faire. Lui, il prend des trucs avant de s’asseoir devant moi, sur une chaise. Et maintenant ? Pourquoi il a pris tout ça ? Je suis pas trop rassuré… Je déteste quand je sais pas ce qu’on veut de moi. Heureusement, il me le dit après m’avoir expliqué qu’il y a des choses qui peuvent pas être soignées comme toutes les tâches sur ma peau. Je me demande… c’est quoi, “soigner” ? Et il dit aussi qu’il sait que je veux pas qu’on me touche. J’ai peur. Vraiment peur. Pourquoi il me dit tout ça ? Pourquoi il veut pas me dire tout de suite ce qu’il veut ? Ca, je sais pas. Mais il me le dit quand même : il veut que je lui montre où j’ai mal pour que je tombe pas malade après. Si on soigne pas, je peux tomber malade. Et si je tombe malade, j’apprends pas.

C’est dur. Vraiment très dur. Mais j’enlève mes manches pour montrer mes coupures et mes brûlures sur mes bras. Je fais pareil sur les jambes. Il y en a vraiment beaucoup, comme les tâches. Je laisse Shīfu “soigner”. Ca fait mal, je déteste ça, mais je laisse faire. Juste, je sais pas comment faire pour le reste. Je sais que j’en ai aussi ailleurs. Elles font mal, aussi. Doucement, j’attrape mes vêtements pour les ramener comme je fais avec le tissu dans mon coin quand j’ai peur, comme si ça pouvait me protéger un peu plus des monstres rois. Je veux pas enlever mes vêtements. Je veux pas qu’il me voit sans mes vêtements. A chaque fois qu’on me voit comme ça, on me fait mal. Toujours !

Shīfu me rappelle que si je montre pas je pourrais pas apprendre parce que je vais tomber malade. J’ai tellement peur… J’ai l’impression que tout ce que j’ai mangé tout à l’heure va sortir de ma bouche. J’ai aussi du mal à respirer. Beaucoup de mal ! Mais, même si je tremble, même si j’ai du mal à bouger, même si je crois que je vais avoir de l’eau dans mes yeux, je me lève pour défaire les nœuds et enlever mes vêtements. Je ferme fort les yeux et je montre ce que m’a fait le monstre roi dans la cave. Dans mon dos et sur mon torse. Partout ! C’est difficile de respirer. Je sursaute dès que je sens quelque chose me toucher. Je veux plus avoir mal. Je veux plus… C’est trop dur…

Ce que je sens, c’est la même chose que lorsque Hei’An Shīfu a soigné les blessures de mes bras et mes jambes. Pas plus. Mais j’ai peur quand même. Parce que mes vêtements sont pas sur moi. Parce que je sais pas ce qu’il peut faire d’autre. Tout ce que je peux faire c’est attendre en espérant qu’il soit vraiment pas comme les autres. Il a dit qu’il faut que je lui fasse “confiance” pour qu’il m’apprenne. Est-ce que, là, je lui fais “confiance” ? Est-ce que je fais les choses bien ?

Il arrête, mais j’ose pas ouvrir les yeux. Alors, j’attends. Je tremble encore. J’arrive pas à m’arrêter. Je m’arrête que quand je sens mes vêtements se remettre. Tout mon corps me fait mal alors que mes épaules descendent petit à petit. Je le laisse faire en sentant tout mon corps se relâcher. C’est bizarre… Je suis pas dans le bain, mais ça fait comme si c’était ça. En tout cas, il est vraiment pas comme les autres. Il fait vraiment pas mal. Jamais. Pas à moi. Pourtant, mes cheveux blancs portent malheur et il faut me faire mal pour avoir de la chance, non ? J’ai entendu les monstres rois le dire. Shīfu ne le pense pas aussi ? Pourquoi ?

J’ouvre les yeux quand il me dit que je peux le faire et je le regarde. Il m’a vraiment rien fait à part me “soigner”, me mettre ces bandes sur mes blessures. Je ne sais pas si je dois dire quelque chose. Alors, je hoche juste un peu la tête pour répondre que j’ai vu, oui, avant de remarquer sa main qui vient vers ma tête. Je ferme les yeux et le laisse faire sans reculer. Il me fera pas mal, n’est-ce pas ? Mais ce geste, c’est pour me taper… J’ouvre un oeil quand je sens sa main sur ma tête sans que ça ait fait mal et l’autre quand il la bouge. Mes épaules descendent encore et je regarde Shīfu. Pourquoi il fait ça ? Ça veut dire quoi ? Je comprends pas… Alors, quand il l’enlève, je mets la mienne en le regardant encore.

Je l’enlève quand il me dit qu’il m’apprendra demain. Mais… j’ai mangé, j’ai bu, je me suis lavé et je l’ai laissé me soigner. Alors… Pourquoi ?! J’ai tout fait pour qu’il m’apprenne ! Et parfois je me réveille en étant malade mais je sais jamais pourquoi. Si je suis malade, il m’apprendra pas. Est-ce que je dois lui dire ? Avant que je décide, il me dit que il peut me montrer. Si je vois, je peux apprendre. Alors, je hoche la tête plusieurs fois.

Quand il va dehors, je le suis de très près. Il parle à celle qui l’a mis en colère quand on mangeait et nous partons. Dans la rue, je lui prends la manche et je marche à côté de lui. Je sens les regards sur moi. Quand je regarde du coin de l’oeil, je peux voir que j’ai raison. Surtout, je vois le monstre roi qui quitte sa reine pour venir vers nous. Je suis content que Hei’An Shīfu aille pas vite en marchant, mais là je veux juste courir loin. Très loin. J’ai peur de lui ! Surtout quand je l’entends parler :

“Gongzi, je vous souhaite le bonjour. Puis-je récupérer mon fils qui se tient à vous ? Il se fait tard et il doit rentrer à la maison.”

J’utilise mes deux mains pour me tenir à mon Shīfu pour qu’on m’éloigne pas de lui. Je veux pas partir avec le monstre. Je sais qu’il va me faire mal. Je sais qu’il va être en colère. Je sais que je vais détester ! Alors, je t’en prie Shīfu, me laisse pas !

J’aurais préféré que Hei’An Shīfu s’arrête pas pour parler à ce monstre. C’est le pire de tous ! Mais il le fait et il le regarde même. Mais le monstre roi se met pas en colère. Il parle comme aux autres monstres. Mais comme ils sont pas pareils, ça va forcément crier à un moment ou un autre. Je veux pas que ça se passe comme ça… Je veux pas aller avec eux… Je veux rester avec mon Shīfu. Et je crois que mon Shīfu veut rester avec moi aussi parce qu’il me tient doucement contre lui. Je respire mieux, mais je regarde pas ce qu’il se passe. Je veux pas voir ce qui est autour de nous. Pour une fois, je veux juste être avec une personne qui dit aux monstres que je ne suis pas pour eux.

Je sais pas si l’éclat que j’entends est bien ou pas. Mais il vient de Shīfu, alors ça doit pas être mauvais pour moi, non ? Je reste accroché à lui de mes deux mains alors que je pose ma tête contre lui, tout doucement, et j’écoute un peu ce qui est dit. Il fait comme si il venait pas seulement de me trouver et que j’étais pas l’enfant qui pleurait à l’entrée du village. Ça me soulage. Pour une fois, je me dis que je peux vraiment rester avec une personne sans jamais avoir peur. Il fait tout pour moi et pour que personne me fasse mal. C’est incroyable ! J’ai presque plus peur grâce à lui, mais je veux pas le lâcher quand même au cas où que le monstre roi soit méchant avec lui. Je veux pas qu’il croit que je veux partir loin de lui. Non, je veux toujours rester avec lui. Je sais maintenant qu’il me protégera toujours et sera jamais méchant avec moi. Je serais pas méchant, alors il me détestera pas. C’est promis.

Le monstre roi essaie de dire à Hei’An Shīfu qu’il est capable de me reconnaître parce que je suis son fils. Il utilise parfois des mots que je comprends pas du tout et que je veux pas connaître. Chaque mot qui vient de lui est mauvais. Chaque mot fait mal comme des coups. J’espère qu’il va pas le croire.

La voix de Shīfu est comme quand il parlait à ceux de l’auberge. Je sursaute un peu, mais je comprends vite que c’est pas à moi qu’il parle. C’est au monstre roi pour lui dire qu’il faut plus qu’il parle de moi ou qu’il dise des choses mauvaises. Je dégage un oeil pour voir malgré ma peur et je suis surpris parce que c’est Shīfu qui tient le monstre par la gorge. Le monstre est plus grand, plus fort, il est horrible, mais Shīfu a réussi à lui faire mettre les genoux sur le sol. Comment il a fait ? J’ai pas vu ? Juste senti qu’il a bougé, mais c’est tout. Ouah… Je veux pouvoir faire pareil ! Mais il le lâche après lui avoir dit qu’il pourrait lui couper la langue et il m’emmène avec lui, loin. Je le suis en gardant une main accrochée à ses vêtements pour pas m’éloigner de lui. Avec Shīfu j’aurais plus jamais mal.

Nous allons dehors, dans un endroit pas loin de la route. C’est ici que je vais voir ce que je vais apprendre ? Shīfu me dit que oui et que je dois pas avoir peur alors que j’ai répondu que je suis prêt avec un mouvement de tête. Je me demande de qui il parle. Il dit que c’est pas comme les monstres du village, mais alors c’est qui ? Pourquoi il dit pas que c’est des personnes ? Je comprends pas mais je hoche encore la tête en restant accroché à ses vêtements. Je le regarde sortir une flûte et il joue une musique. J’écoute bien en regardant comment il fait. Très vite, je sens une odeur que je connais et que je déteste. J’entends aussi du bruit autour et, quand je regarde, je vois des hommes et des femmes qui nous entourent et qui sont étranges. Je les regarde, les sourcils froncés, pas très rassurés. Shīfu me demande ce que j’en pense, mais je peux que demander, un peu inquiet :



Je suis inquiet pour eux, surtout s’ils sont pas comme les monstres. Il faut pas qu’on les tape. Eux, au moins, ils portent pas malheur. Surtout qu’il y en a vraiment beaucoup. Comme dans le village. C’est vraiment triste s’ils sont tous comme moi…

J’imagine plein de choses pas drôles pour toutes ces personnes. Elles doivent avoir si mal ! Je comprends, parce que moi aussi j’ai eu mal comme ça. Mais quand je regarde Shīfu pour qu’il me dise pourquoi ils sentent la cave et si j’ai raison, je remarque qu’il fait pas la même tête que d’habitude. A quoi il pense ? Est-ce que j’ai dit ou fait une bêtise ? Je comprends pas ce que ça veut dire. Il m’a dit que je peux poser toutes mes questions, alors j’ai essayé. J’aurais pas dû le faire ? Je comprends pas du tout et ça me fait peur. Qu’est-ce qu’il va me faire si je le mets en colère ? Est-ce que je dois le lâcher ? Il me réponds finalement qu’il sait pas. Aah ! C’est pour ça qu’il faisait cette tête alors, c’est parce qu’il sait pas. Maintenant, je respire mieux parce que je sais ça. Je hoche alors la tête et regarde les personnes autour de nous quand il en parle. Des cadavres, des personnes qui sont plus vivantes. Alors… Ils sont pas comme lui et moi. Mais ils sont ce que je pourrais être si je reste ? C’est ça ? Je sens des frissons remonter dans mon dos et qui me font trembler alors que je saisis l’idée. Je veux pas ça ! Même si je veux plus avoir mal, je veux pas être pas vivant.

Même si je veux pas être comme eux, je les regarde quand même parce que c’est Shīfu qui les a appelés pour moi. Ils sont tous bizarres. Ils font de drôles de bruits. Ils sont habillés comme moi avant que Shīfu vienne me trouver. Est-ce qu’il doivent prendre un bain, eux aussi ? Comme ils ressentent pas, alors ils peuvent pas savoir qu’ils ont besoin. C’est pas vrai ? Mon Shīfu s’en moque, je pense, et il me dit que toutes ces personnes qui sont pas vivantes font absolument tout ce qu’il veut quand il leur demande. Pour ça, il leur dit ou alors il siffle ou il fait de la musique. Alors ils sont venus quand il a utilisé cette flûte ? C’est impressionnant !!



Mais je suis pas au bout de mes surprise parce que, quand Shīfu joue encore de la musique, les cadavres dansent comme les villageois quand c’est ce qu’ils appellent la fête. Dans ces moments, je suis toujours attaché sur la place et ils bougent comme ça autour de moi en chantant. Mais les mouvements que je vois sont pas pareils. Plus comme moi quand j’essaie de faire pareil, je crois.

Ils arrêtent de bouger quand Shīfu arrête de jouer de la musique. C’est parce qu’il leur dit plus de le faire, je crois. Je regarde Shīfu quand il me dit qu’il y a des cadavres partout et qu’ils peuvent même marcher tout seul et qu’ils attaquent tout ce qu’ils trouvent. Je veux pas les voir, alors ! Je veux pas avoir mal, moi. Et il me dit aussi que les personnes comme lui on les appelle des “utilisateurs de Yuan Qi” ou des “cultivateurs du Mo Dao”. J’appends beaucoup de choses alors je répète sans faire de bruit ce qu’il m’a dit et surtout les noms qu’il m’a dit. Mais je m’arrête quand il me demande si j’ai des questions pour le regarder. Je réfléchis un peu en posant un doigt sur mes lèvres avant de demander, d’une toute petite voix encore :



Il m’a dit que je peux demander quand je sais pas ou que je veux savoir. Si je veux comprendre ou apprendre, alors il faut que je sache ce qu’il me dit, je crois. De toute façon, il va me dire si je dois pas faire quelque chose, pas vrai ? Mais… il va pas me taper en le disant, hein ? Il est en colère quand les autres me veulent ou me font quelque chose de mal. En plus, il m’a pas fait mal quand il m’a soigné. Alors je peux être avec lui tout le temps sans avoir mal, je crois. Je veux vraiment croire en ça.